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est ramassé avec empressement : voilà en grande partie la raison des deux principaux succès de l’hiver, des deux seuls succès qui aient quelque chose à démêler avec la littérature, les Vacances du Docteur, drame en vers de M. Amédée Rolland, et Nos Intimes, comédie de M. Sardou. Les pièces qui se prétendent littéraires ne manquent pas cependant ; nous en avons sous les yeux une vingtaine qui réclament ce titre. Nous les avons recueillies toutes ; nous avons lu avec soin celles que nous n’avons pas vu jouer, et il s’est trouvé, chose curieuse, que la meilleure était la plus modeste et celle qui se présentait avec le moins de prétentions. Si nous avions à décerner pour l’année 1861 le prix de la comédie, nous le donnerions sans hésiter à la petite pièce du Gymnase intitulée le Voyage de M. Perrichon, vaudeville excellent, qui contient une idée vraiment comique, œuvre d’un meilleur aloi que beaucoup d’arrogantes comédies en vers et de drames orgueilleux qui se croient de genre plus relevé. On est malheureusement obligé d’aller chercher cette petite comédie dans le répertoire déjà vieux de l’année 1860, car le répertoire de la saison ne pourrait guère nous présenter sa rivale. Les pièces nouvelles abondent, mais une malédiction semble peser sur elles ; elles ne sont pas nées viables et succombent au bout de quelques représentations, ou bien elles sont emportées au milieu d’orages inattendus. Quelques-unes sont signées de noms qui ne tiennent pas toutes les promesses qu’ils avaient données ; on aimerait à voir les Parens terribles, interminable comédie de M. Belot, signés d’un autre nom que de celui d’un des auteurs du Testament de César Girodot, et nous aurions désiré qu’un autre écrivain que M. Meilhac fût le père de la très alambiquée, très obscure et très médiocre comédie qu’il a intitulée l’Attaché d’ambassade. Écartons résolument toutes ces productions déjà surannées, en ayant soin d’en séparer deux petites comédies en vers, auxquelles le langage poétique a porté bonheur. L’une, qui s’intitule le Décaméron, a été pour ainsi dire le lever de rideau de la nouvelle saison littéraire. C’est une aimable bluette dramatique, d’un caractère à la fois gai et rêveur, d’une allure à la fois poétique et rapide. La seconde est une agréable comédie en deux actes, le Mur mitoyen, œuvre d’un jeune poète, M. Edouard Pailleron, dont l’œuvre de début, le Parasite, avait été remarquée.

Arrivons aux deux succès de la saison, aux Vacances du Docteur d’abord. C’est une œuvre singulièrement estimable, qui mérite sinon tous les applaudissemens, au moins tous les encouragemens du public et de la critique. M. Amédée Rolland a fait de grands progrès depuis sa comédie du Parvenu. La pièce nouvelle témoigne des efforts laborieux et, soutenus de l’auteur, et je dirais volontiers de