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La répression qui a suivi l’insurrection de Loja est encore une preuve de cette incohérente politique. Sans doute cette répression a été moins terrible que dans d’autres circonstances : il n’y a eu que quelques personnes fusillées ou plutôt exécutées par le garrote, qui est considéré en Espagne comme le plus vil genre de mort ; mais ce qui est plus grave, c’est que l’arbitraire le plus complet semble avoir présidé à cette répression, et que la loi martiale elle-même dont on s’est servi a été assez capricieusement appliquée. Cette loi, en effet, ne rend passible de la juridiction des conseils de guerre que ceux qui sont pris les armes à la main. Or la plupart de ceux qui ont été pris à Loja ont été arrêtés dans leurs maisons lorsque l’insurrection n’existait déjà plus ; ils n’ont pas moins été livrés aux tribunaux militaires, et s’il n’y en a eu qu’un petit nombre de condamnés à mort, beaucoup ont été déportés dans les colonies ou envoyés aux présides. Qu’a répondu le gouvernement lorsque ces faits ont été exposés dans les chambres ? Il s’est borné à dire que c’était une affaire de tribunaux, que la justice était indépendante. N’y a-t-il donc pas, dira-t-on, la tribune et la presse comme garanties contre les excès de pouvoir ? Certes ; mais la majorité parlementaire absout le ministère de parti-pris pour ne point compromettre son existence, et la presse en est, depuis trois ans, à attendre une loi toujours annoncée ; jusqu’à ce que cette loi soit faite, elle est livrée aux amendes, aux saisies, en un mot à toutes les rigueurs du bon plaisir administratif.

Le libéralisme du cabinet O’Donnell apparaît-il du moins dans la politique extérieure ? On sait l’attitude que le cabinet de Madrid a cru devoir prendre depuis le premier jour vis-à-vis de l’Italie, attitude singulière qui n’est ni de l’hostilité, ni de la sympathie, ni une intervention, ni une vraie neutralité, et qui, à propos de l’affaire récente des archives napolitaines, a conduit à une rupture entre les deux gouvernemens. Un fait curieux à remarquer, c’est que cet incident a commencé à Lisbonne, c’est-à-dire dans un pays qui a reconnu lui-même le gouvernement italien. Ainsi c’est dans un état qui est en relations régulières avec le nouveau royaume d’Italie que l’Espagne a prétendu rester dépositaire des archives napolitaines, sous prétexte qu’elles lui avaient été confiées par les consuls du roi François II, et par le fait de l’Espagne les intérêts commerciaux entre Italiens et Portugais peuvent être troublés. Le cabinet espagnol, sur le conseil de la France, consentait, il est vrai, à remettre les archives napolitaines aux autorités locales portugaises ; mais il accompagnait cette remise de toute sorte de restrictions et de protestations qui en dénaturaient le caractère. Le gouvernement italien n’a pu accepter la transaction dans ces termes. Le-motif de cette opposition, le ministre des affaires étrangères du cabinet espagnol, M. Calderon Collantes, l’a laissé voir avec assez de naïveté dans une récente circulaire diplomatique : c’est que la reine Isabelle a des droits à réserver sur quelques-uns des trônes italiens, notamment sur