Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/557

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


I

On ne peut s’empêcher de remarquer, au début du règne de Charles Ier, que ses rapports avec le parlement s’engagent assez mal. Dans une question de pure forme[1], appelées à se prononcer entre les juges et la couronne, les deux chambres donnèrent tort à celle-ci. C’était peut-être ne pas reconnaître assez l’empressement du jeune prince à les réunir aussitôt après son mariage, et à dépouiller devant elles, comme il le fit, l’insigne royal posé sur son jeune front ; mais il ne s’agissait pas d’un échange de courtoisies : on appelait le parlement à voter des subsides pour la guerre, et, continuant une tradition déjà vieille, il prétendait se faire rembourser en redressemens de griefs, en restrictions de coutumes abusives, l’argent qu’il jugerait bon d’accorder. D’ailleurs l’union de Charles à la fille d’Henri IV éveillait les scrupules protestans, et les deux chambres rédigèrent, au sortir de la chapelle Sainte-Marguerite, une « pieuse pétition » qui réclamait de nouvelles persécutions contre les « récusans catholiques. »

Au fond de cette démarche, blessante pour le jeune époux de la « fille de France, » l’histoire entrevoit les intrigues de l’évêque de Lincoln (Williams), dirigées contre Buckingham. Ces rivalités ministérielles ont toujours compté dans l’influence des assemblées délibérantes. Avisées, aidées en secret par l’ambitieux prélat, les communes, encore muettes, mais déjà dédaigneuses, n’accordent que des subsides évidemment insuffisans. Leur résistance obstinée et la nécessité de pourvoir aux frais de la guerre poussent Charles Ier, et de bien bonne heure, dans la voie fatale de l’emprunt volontaire, ou sur sceaux privés, expédient financier des plus curieux, et qu’a définitivement condamné le progrès de la science fiscale. Une circulaire vous arrivait, portant, avec le sceau particulier du prince, le nom du prêteur et le chiffre de la somme à laquelle il était taxé[2].

  1. Charles, tendant à l’unification des trois royaumes, demandait à être proclamé roi de la Grande-Bretagne. En insistant sur ce changement de titre, il ne faisait qu’imiter son père, à qui les communes n’avaient point passé cette fantaisie, plus sérieuse en somme qu’elle n’en avait l’air. Ce fut de leur part vis-à-vis de lui une de ces taquineries qui suggéraient à Jacques Ier l’idée de vivre alternativement en Écosse et en Angleterre, et d’établir sa cour dans la ville d’York. Jacques affectait de traiter les communes comme un pédagogue ses élèves. Il raillait volontiers ces « cinq cents rois, » — comme il les appelait, — dont au fond il avait évidemment peur.
  2. La formule adoptée par Charles Ier était des plus modestes et presque affectueuse : « Ces secours privés qu’on réclame pour le service public, et qui ne sauraient être refusés, on y a fréquemment recouru ; mais comme c’est la première fois que nous demandons une chose de ce genre, nous nous bornerons à des sommes que bien peu de gens refuseraient a un ami (wkich few men would deny a friend). « Le fait est qu’aux plus riches on empruntait 20 liv. sterl. et que l’on acceptait jusqu’à des shillings.