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En quelques jours, — du 20 octobre au 5 novembre, — on avait pourvu autant que possible à la sécurité matérielle du parlement ; on avait affirmé son droit de lever des troupes et d’en conférer le commandement à un chef de son choix ; on avait implicitement résolu la question si délicate de savoir si, en l’absence du roi, les ordonnances des deux chambres avaient force de loi, mesure tranchante, véritable passage du Rubicon, contre laquelle le roi n’osa ou ne voulut pas protester ouvertement[1] ; L’impulsion vigoureuse de Pym se reconnaît dans cette marche rapide. Un pas de plus restait à faire : il fallait consacrer l’intervention directe des représentans de la nation dans le choix des conseillers de la couronne, choix qu’on laissait au monarque, mais qui devrait être approuvé par les chambres. L’insurrection catholique d’Irlande qui venait d’éclater, et dont les sanglans détails consternèrent le parlement, fournit à Pym l’occasion d’introduire ce nouveau débat, qui devait inévitablement ranimer les passions, mettre en présence les deux partis nouvellement formés, forcer les hypocrites à lever le masque, amener la majorité à serrer ses rangs éclaircis, rendre quelque ressort à l’opinion assoupie. La tactique adoptée fut encore empruntée aux précédens. On posait une condition au vote des hommes et des subsides destinés à réprimer l’insurrection irlandaise : le roi devait choisir des ministres en qui le parlement pût avoir confiance ; mais comme il y avait là de quoi égarer l’opinion et mettre contre soi certains scrupules patriotiques, Pym revint sur cette motion, à laquelle il donna un autre tour sans en altérer la substance. On supplia simplement le roi de changer ses mauvais conseillers ; « sinon, tout en lui restant fidèles et dévoués, les membres du parlement aviseraient à leur propre sûreté en même temps qu’à celle de l’Irlande. » Nous n’avons pas besoin de dire qu’en essayant d’intervenir aussi directement dans le choix des ministres, les chefs de la majorité avaient principalement en vue d’arrêter ce flot de désertions qui, depuis la mort de Strafford, décimait les rangs du parti populaire. « Si c’est pour vous emparer du pouvoir que vous nous quittez, disaient-ils ainsi aux nouveaux courtisans (Hyde, Colepeper, Falklahd, etc.), vous ne recueillerez pas le fruit de votre trahison. Nous briserons dans vos mains le brillant appât qui vous attire. »

On ne frappe point de tels coups sans soulever d’immenses colères. Le roi, la reine, leurs partisans, étaient exaspérés contre Pym. Plusieurs tentatives contre sa vie eurent lieu précisément à cette

  1. Voyez la lettre d’Henriette-Marie, 12 novembre, où elle transmet au sous-secrétaire Nicholas un ordre du roi, prescrivant au lord keeper de rédiger une déclaration à cette fin, si elle juge le moment favorable. La reine, à son tour, s’en remet là-dessus au sous-secrétaire.