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presque absolue, toute décision vient d’en haut ; les agens locaux, n’ayant que l’initiative des propositions, n’ont aucune responsabilité vis à-vis des tiers, et, comme tous les autres fonctionnaires, ils ne peuvent être poursuivis, pour faits relatifs à leurs fonctions, qu’avec l’autorisation du conseil d’état.

Indépendamment de sa mission purement forestière, l’administration des forêts est encore chargée de la régie de la pêche dans les rivières non canalisées : c’est tout ce qui lui reste de ses anciennes attributions sur le régime des eaux, qui lui avait valu autrefois le nom d’administration des eaux et forêts. En 1829, elle étendait encore son action sur 11,300 kilomètres de rivières ; mais en 1831 une décision ministérielle lui enleva, pour les confier à l’administration des ponts et chaussées, les rivières canalisées, et restreignit son domaine aquatique à 6,800 kilomètres de rivières non canalisées. Les inconvéniens de cette organisation, qui donne à deux administrations différentes des attributions semblables, ont été souvent signalés, et les lecteurs de la Revue n’ont pas oublié sur quels motifs s’appuyait un écrivain très autorisé pour demander qu’à l’avenir l’administration des ponts et chaussées fût exclusivement chargée de tout ce qui concerne la pêche[1]. Il faut désirer sans doute que le service de la pêche soit concentré dans une seule main ; mais la compétence de l’administration des ponts et chaussées en matière de pêche est-elle bien établie ? Si l’on s’en rapporte aux chiffres, la question reste assez douteuse. Chacune des deux administrations met en adjudication, pour un temps plus ou moins long, le droit de pêche sur les rivières confiées à sa surveillance. Or, en comparant le budget de chacune d’elles, on voit qu’en 1859 les 4,975 kilomètres qui sont entre les mains de l’administration des ponts et chaussées ont produit 129,390 francs, ou 26 francs par kilomètre, tandis que les 6,800 kilomètres loués par l’administration des forêts ont donné 581,023 francs ; ou 85 francs par kilomètre, ce qui tendrait à prouver que ces derniers sont beaucoup plus peuplés que les premiers, et que par conséquent la surveillance y est mieux faite, Si les 4,975 kilomètres canalisés n’avaient pas été enlevés à l’administration des forêts, ils auraient donc produit 422,875 francs, ou 293,485 francs de plus qu’ils ne produisent aujourd’hui. La question, du reste, a été soumise en 1859 à l’examen d’une commission qui s’est prononcée contre l’administration des ponts et chaussées. Elle a été soulevée de nouveau en 1861 lors de la discussion du budget ; mais le corps législatif s’est borné à la

  1. L’Empoissonnement des eaux douces, par M. J.-J. Baude. Revue du 15 janvier 1861.