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dans ce Mémoire sur la Campagne de 1672 qui doit tenir une des premières places parmi les documens inédits cités dans l’Histoire de Louvois.

Mais de ce que Louis XIV ne songeait pas à la religion des Hollandais en ravageant leurs villes, on aurait tort de conclure qu’il fût indifférent à la présence des religionnaires dans son royaume : il avait les vices du pouvoir absolu. Tout ce qui résistait, tout ce qui pouvait résister, tout ce qui avait une vie propre lui était importun. L’indépendance en matière de foi était aussi dangereuse à ses yeux que l’indépendance de condition. Il en voulait à l’église réformée de France comme à la noblesse, comme aux parlemens, comme à Rome, lorsque Rome ne s’humiliait pas devant lui. Dès 1664, vingt et un ans avant la révocation de l’édit de Nantes, quelques mois à peine après s’être préparé à faire la guerre au pape sans autre ménagement pour les consciences catholiques que de faire distribuer aux troupes réunies contre le saint-siège du poisson salé et du fromage les jours maigres, il se servait de son ambassadeur à Vienne, M. de Grémonville, pour faire savoir au confesseur de l’empereur que le roi « n’avait d’autre application que d’extirper l’hérésie, et que si Dieu, par sa grâce, continuait le bonheur de son règne, on verrait dans peu d’années qu’elle s’éteindrait en France, » déclaration déjà très sincère, quoique nullement désintéressée. Louis XIV avait alors à se faire pardonner à Vienne ses ménagemens pour les protestans d’Allemagne. Le « bien de la religion » n’était évidemment pas l’un de ses plus grands soucis, comme le faisait aigrement remarquer le publiciste franc-comtois baron de Lisola dans son Bouclier d’état et de Justice contre le dessein manifestement découvert de la monarchie universelle. « Quoique la religion protestante lui doive une partie de ses progrès, disait-il, la France ne laisse pas de donner de secrètes vues aux catholiques pour leur faire considérer sa puissance comme la seule qui, n’étant liée par aucune capitulation, est en état de réduire toutes les sectes sous l’obéissance de l’église. En un mot, pour l’érection de leur monarchie, ils imitent et appliquent à de mauvais usages la maxime que saint Paul pratiqua pour l’agrandissement de celle du Christ : factus sum omnibus omnia… Jamais aucun peuple n’a témoigné le moindre penchant à se rebeller qu’ils n’en aient aussitôt fait des alliés… Leur maxime est d’entrer dans toute sorte d’affaires à droite ou à gauche, et faire partout les arbitres, par force ou par adresse, par autorité ou par surprise, par menaces ou par amitié… Le génie de la nation est naturellement porté aux armes, ardent, inquiet, ami de la nouveauté, désireux des conquêtes, prompt, agissant et flexible à toute sorte d’expédiens qu’il juge propres à ses fins… La