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de Belley, né en 1582 et mort en 1652. Cet écrivain si fécond a été longtemps un des plus oubliés. La Harpe, si je ne me trompe, ne prononce même pas son nom dans son Cours de Littérature. Voltaire l’omet également dans la nomenclature très détaillée des écrivains du XVIIe siècle qu’il a placée en tête de son ouvrage sur Louis XIV, et dans laquelle il fait pourtant figurer des noms moins intéressans que le sien. Pendant longtemps, le petit nombre de ceux qui avaient gardé de Camus quelque souvenir le considéraient généralement comme un romancier, un écrivain et un prédicateur ridicule, et de ses nombreux ouvrages il n’avait guère survécu qu’un abrégé en un volume composé par une main étrangère et tiré des six volumes publiés par lui sous ce titre : l’Esprit de saint François de Sales. Au milieu de l’oubli profond qui pesait sur la mémoire de Camus, si quelqu’un s’était avisé de jeter les yeux sur la préface d’un de ses romans, intitulé Callitrope et publié en 1628, il n’aurait pu s’empêcher de rire de la naïve présomption avec laquelle l’auteur compte sur la postérité. Après avoir repoussé les critiques dont ses compositions romanesques sont l’objet, le bon évêque s’exprime ainsi : « Mais il vaut mieux que je les cite (ses censeurs) devant un juge équitable non suspect, sans passion, sans intérêt, et qui ne peut être récusé : c’est la postérité. Qui peut comparoistre devant son tribunal est assuré de gaigner sa cause, car il n’y a que les escrits de considération et de prix qui puissent percer la suite du temps et se conserver en la mémoire des hommes. C’est là que j’appelle mes censeurs ; on verra qui y pourra comparoistre, ou de leurs répréhensions, ou de mes ouvrages. »

Quoique cette lettre de change si hardiment tirée sur la postérité n’ait pas été acceptée par elle, la physionomie un peu bizarre de cet évêque romancier a reconquis depuis quelques années une certaine notoriété ; des autorités considérables ont pris sous leur protection cette mémoire oubliée, et il y aurait aujourd’hui presque une tendance à exagérer la valeur de Camus, soit comme prédicateur, soit comme romancier. C’est pour concourir à cette sorte de résurrection qu’un jeune écrivain, dont la perte récente a été un deuil pour la littérature, car il unissait à la distinction du talent la dignité du caractère, M. H. Rigault, eut l’idée en 1853 de réimprimer un des vieux romans de l’évêque de Belley, lequel figure aujourd’hui glorieusement, dans la Bibliothèque des chemins de fer, à côté des œuvres de nos romanciers à la mode.

Comprenant difficilement qu’on put faire accepter Palombe au public de nos jours, j’ai voulu comparer la nouvelle édition de ce roman à l’ancienne, celle de 1625, que je possède. J’ai éprouvé pour l’auteur une grande déception. La vraie Palombe de 1625, qui comprenait plus de six cents pages, est aujourd’hui transformée en