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REVUE DES DEUX MONDES.

quelque temps. Une fois l’alliance conclue en effet, il n’a plus rien attendu ; il a eu hâte d’arriver à la Vera-Cruz avant tout le monde, avant même que les chefs de nos stations navales eussent pu recevoir des instructions, et de planter le premier le drapeau de Castille sur les tours de Saint-Jean-d’Ulloa. Et à quoi s’est-il exposé ? À cette petite déception qu’ont laissé voir les journaux ministériels, lorsqu’ils ont appris que la France envoyait des forces nouvelles pour rétablir l’équilibre des rôles. C’est l’Espagne, si nous ne nous trompons, qui, par l’organe de M. Calderon Collantes, a la première parlé d’une monarchie pour le Mexique dans les récentes négociations. Et qu’arrive-t-il aujourd’hui ? Le nom de l’archiduc Maximilien est accueilli à Madrid avec une amertume mal déguisée, qui laisserait croire à quelque espérance trompée. En toutes choses, le malheur du général O’Donnell, c’est de trop paraître faire une question espagnole, ministérielle même, d’une question qui n’est ni espagnole, ni française, ni anglaise, qui doit rester avant tout essentiellement européenne, et doit être conduite avec un esprit de mesure d’autant plus sévère que la gloire et les profits ne sont évidemment pas en proportion de ce qu’il y a d’ingrat et d’onéreux dans ce rôle de correcteurs de l’anarchie mexicaine.

Ch. de Mazade.

REVUE MUSICALE.


Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Et la critique aux abois ne peut pas même répondre : Je ne vois que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie, car les théâtres lyriques sont bien autrement stériles que les théâtres littéraires dont M. Montégut nous faisait ici dernièrement la triste et véridique histoire[1]. Si nous n’avions pas la reprise de quelques vieux ouvrages qu’on exhibe en désespoir de cause, il faudrait fermer les quatre théâtres de musique qui existent à Paris, quatre théâtres, dont un pour la musique italienne ! À l’Opéra-Comique, par exemple, on n’a produit, pendant l’année qui vient de finir, qu’un ouvrage en trois actes qui soit digne d’être remarqué, la Circassienne de M. Auber. Aucune des nombreuses opérettes en un et deux actes qu’on a vues passer sur cette scène, autrefois si féconde en œuvres charmantes, n’a pu y prendre racine et n’a laissé un souvenir. Ce théâtre vit, depuis six mois, avec le Postillon de Long jumeau, avec la Sirène, les Mousquetaires de la Reine et autres ouvrages connus depuis quinze ou vingt ans. Encore si cette incroyable pénurie de nouveautés intéressantes était compensée par une bonne exécution des opéras aimés et consacrés par le succès ! Mais le mal est beaucoup plus grand du côté des interprètes. Les voix naturelles, saines, franches et bien timbrées,

  1. Voyez la Revue du 15 janvier.