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César, qui leur fit essuyer à Bibracte une sanglante défaite. Les découvertes archéologiques opérées en diverses parties de la Suisse permettent maintenant de remonter le cours des temps et de reconstruire dans ses traits généraux l’histoire des Helvétiens jusque vers le IVe ou le Ve siècle de l’ère ancienne ; mais si la chaîne des âges est renouée pour cette tribu gauloise, elle ne l’est point pour les peuplades lacustres que les Helvétiens avaient exterminées ou réduites en esclavage.

Quels furent ces aborigènes que l’archéologie a ressuscites pour ainsi dire en examinant les débris retrouvés dans la vase des lacs ? Étaient-ils d’origine finnoise, sicule, ibérienne ou pélagique ? Faut-il chercher leur patrie sur le plateau d’Iran ou bien sur le sol même de l’Europe occidentale ? Une seule chose semble certaine, c’est qu’ils étaient des hommes de petite taille, plus remarquables par leur agilité que par leur force. Leurs bracelets étroits ne pouvaient entourer que des bras délicats ; leurs épées aux courtes poignées n’auraient pu être saisies par les larges mains des Gaulois, et demandaient une certaine connaissance de l’escrime : on dirait à les voir qu’elles étaient brandies par des guerriers agiles comme nos soldats basques. Cependant rien n’autorise encore les savans à faire une réponse définitive. La forme du crâne des lacustres serait une donnée des plus importantes dans la question, mais les crânes et autres ossemens retrouvés dans les emplacemens lacustres et dans les tombelles de l’âge de la pierre sont rares, et n’offrent que des restes difficiles à étudier. Par un singulier contraste, nous connaissons les origines, les guerres, les migrations et jusqu’aux généalogies royales de plusieurs peuples anciens dont les mœurs nous sont inconnues, et voici des peuplades qui nous révèlent leur vie intime, leurs habitudes domestiques, et qui font un mystère de leur nom. Leurs produits sont recueillis dans nos musées, on a même pu dresser leur statistique d’une manière approximative, mais elles passent dans l’histoire comme des apparitions, et l’on ne sait les rattacher à aucune des races qui les précèdent ou qui les suivent. Espérons que dans un avenir prochain l’exploration méthodique des antiquités de l’Europe et la comparaison de tous les témoignages fournis par les débris encore fossiles permettront à la science de classer les lacustres, de suivre leurs migrations, de marquer leurs étapes. Déjà de récentes découvertes ont établi d’une manière positive qu’ils habitaient aussi les lacs de la Savoie et de la Haute-Italie. On arrivera sans doute à préciser quelle fut l’étendue de leurs domaines aux différentes époques anté-historiques, et, ce qui est bien plus important, leur vie intime, leur civilisation morale seront éclairées par l’étude approfondie des tribus qui se sont développées, parallèlement