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Hambourg et Vienne, ces multiples étapes de la vie allemande : Dresde, groupée autour de son admirable musée et tout attentive aux arts ; Iéna, Goettingue, Weimar, Bonn, Heidelberg, avec leurs universités ou leurs traditions littéraires ! Quels aimables foyers de la vie morale et intellectuelle, où ne trône pas exclusivement la richesse, mais qui protègent encore la vie modeste et la simplicité ! L’activité éparse, mais intense, qu’entretiennent ces petites capitales serait-elle heureusement remplacée par la régularité froide d’une centralisation officielle, qui substituerait en bien des cas l’action de l’état aux forces individuelles ? Il est permis d’espérer que, dans la crise actuelle comme dans plus d’une occasion précédente, l’individualisme, qui est après tout le fond principal du caractère allemand, fera contre-poids à ces ambitions idéalistes que le génie de l’Allemagne enfante si volontiers et auxquelles il se laisse trop souvent séduire. On comprend que la Prusse caresse avec complaisance l’idée d’une domination centralisée sur toute l’Allemagne ; on comprend que l’Autriche accueille facilement aussi l’idée d’une association qui lui garantirait, pense-t-elle, une domination non incontestée ; mais de part et d’autre ce sont des rêves, de part et d’autre un excessif idéalisme s’agitant dans les régions de l’impraticable. En présence de cette anarchie, les principaux états secondaires, qui représentent si fidèlement par certains côtés le véritable esprit germanique, ont un grand rôle tout tracé. On ne peut s’empêcher de suivre avec une sympathique attention leur conduite, et de souhaiter qu’ils rappellent les deux grands états à la modération, qu’une fois la mutuelle bienveillance rétablie, ils fassent accepter des projets de réformes sur la base toujours solide de la confédération actuelle, avec un lien assez ferme et assez flexible à la fois pour retenir ensemble l’Allemagne du nord protestante et l’Allemagne du midi catholique, en laissant à chacune sa vie propre et son originalité. Du reste, un progrès uniforme des libertés constitutionnelles doit précéder en Allemagne et faciliter cette œuvre, toute de conciliation et de délicate mesure, et c’est ici que la Prusse est appelée à donner l’exemple. Elle a, plus qu’aucune autre puissance allemande, conscience de l’esprit moderne, qui l’anime ; il faut que la constitution fédérale, partiellement réformée, laisse toute liberté à son progrès, et fasse de ce progrès même une protection et un motif d’espérance, au lieu d’un danger, pour l’Allemagne entière.


A. GEFFROY.