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Le seul animal que les sportsmen dignes de ce nom aiment à chasser est le bon vieux renard breton, qui se perpétue depuis des siècles en dépit des chiens, des clôtures, des chemins de fer et des progrès de la charrue ; encore ce dernier lui-même s’est-il fort amolli depuis une trentaine d’années au milieu des délices de Capoue. Le grand nombre de chasses réservées et de parcs où l’on élève en quelque sorte le gibier à la brochette lui a fourni de trop belles occasions dans les campagnes du royaume-uni pour satisfaire ses appétits gloutons. Où trouver aujourd’hui, sinon peut-être dans quelques districts sauvages de l’Ecosse, cet animal long, maigre, efflanqué, affamé, si commun au dernier siècle, et qui courait comme le vent depuis le lever jusqu’au coucher du soleil ? Auprès de lui, le renard moderne est une marmotte : gras, épais et court, il a tous les airs d’un alderman de Londres qui vit de quartiers de chevreuil et de soupe à la tortue. Du moins il est brave, et, comme il se trouve ici chez lui, il sait beaucoup mieux se défendre que ceux qui viennent des pays étrangers.

La première chose pour un chasseur est d’arriver à connaître et à estimer son ennemi. On a prêté au renard toute sorte de défauts, sans doute pour se ménager le droit de le détruire en toute sûreté de conscience. Consultez pourtant les veneurs, et ceux qui sont de bonne foi vous diront tous qu’il vaut mieux que sa réputation. Il est bien vrai qu’il ne se fait point scrupule, l’occasion aidant, de tordre le cou à une poule ou à un dindon jusque dans l’intérieur de nos fermes ; mais après tout il vole pour vivre, et beaucoup de ceux qui le condamnent sans l’entendre n’agiraient peut-être pas mieux, s’ils se trouvaient placés dans les mêmes circonstances. Une des qualités qui recommandent le renard à l’estime des chasseurs est l’amour qu’il témoigne pour ses petits. Aussi, tout en débarrassant le pays d’un animal nuisible, ont-ils adopté pour règle d’agir loyalement envers lui et de lui faire tous les honneurs de la guerre. Des sportsmen indignes de revêtir l’uniforme de chasse, et qui avaient tué par manière de divertissement brutal de jeunes portées ou mutilé des renards adultes, ont été mis à l’index dans toute la Grande-Bretagne par la confrérie des chasseurs. Nul de leurs confrères qui se respectent ne voudrait aujourd’hui pour rien au monde galoper dans leur société. Les généreux fox-hunters n’hésitent même point à donner au renard, quand les lois ou les usages de la chasse l’exigent, une chance pour sauver sa vie. N’ont-ils pas déjà sur lui assez d’avantages ? Quand les chiens s’élancent à sa poursuite, ils ont le ventre creux ; le renard au contraire a mangé toute la nuit et quelquefois si bien mangé qu’il ne retrouve plus ses jambes à la course. Et puis les chasseurs ne sont-ils pas cent contre