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Tant il court,… et les clous de ses lourdes semelles
Sonnent sur les cailloux.

Six semaines sans voir sa forêt bien-aimée,
Six semaines d’ennuis pour deux brins de ramée
Pas plus gros que le bras !…
Il sourit de pitié, puis il se hâte encore,
Les yeux toujours fixés vers les grands bois que dore
Le couchant, tout là-bas.

Il arrive. La lune au même instant se lève.
Pendant qu’il languissait dans sa prison, la sève
À rompu les bourgeons.
La forêt maintenant est dans toute sa gloire,
Partout des rameaux verts, pas une branche noire ;
Partout nids et chansons !

Il siffle un air de fête en s’enfonçant dans l’ombre,
Et dans l’épais taillis, des rossignols sans nombre
Répondent à sa voix.
Il grimpe, ivre de chants et d’odeurs printanières,
Sur un hêtre géant dont les branches dernières
Dominent tout le bois.

Le voilà se berçant dans l’arbre qui s’incline !
L’air de la nuit de mai dilate sa poitrine
Et court dans ses cheveux ;
Le ciel est sur sa tête, et sous ses pieds murmure
Et mollement frissonne une mer de verdure
Aux flots mystérieux.

De légères vapeurs glissent sur les clairières,
Et la lune répand sur les champs de bruyères
Des nappes de clarté.
— Hurrah ! — Sa voix s’envole, et dans l’azur sans voiles
On dirait qu’on entend monter jusqu’aux étoiles
Son cri de liberté…

III. — VIEILLE BALLADE.

Au retour de la guerre et tout poudreux encore,
Le bien-aimé heurtait à la porte sonore :

— Pan ! pan ! — L’aube a rougi,
Et ta porte est fermée ;
Viens ouvrir, bien-aimée,
À ton ami.