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Un insecte, une pâle et mignonne araignée,
Ourdit ces fils soyeux à l’heure des amours ;
Puis, comme une épousée aux gracieux atours,
Elle part suspendue à ce char d’hyménée.

Elle vole au-devant de l’époux désiré…
Le voici ! — Brins de joncs, tendres pousses des frênes,
Prêtez-leur un asile, et vous, tièdes haleines,
Bercez dans un rayon le couple énamouré !

L’amour !… Et toi, brodeuse, es-tu donc condamnée
À ne trouver jamais celui que tu rêvas ?
Ton voile nuptial, ne le coudras-tu pas,
Brodeuse, chaste sœur de la grise araignée ?

Qui l’aimerait ? Son cœur repousse fièrement
Ces vénales amours, fausses comme l’ivraie,
Qui laissent le dégoût au lâche qui les paie
Et souillent à jamais la femme qui les vend.

Qui l’aimerait ? — Un pauvre et rude mercenaire ?
Mais l’amour prend du temps, et chaque instant perdu
Coûte un morceau de pain ; l’amour est défendu
À qui soir et matin lutte avec la misère.

Non, elle traînera ses jours laborieux
Dans son réduit glacé, sans enfans, sans caresse,
Jusqu’à l’heure où, tombant sous son faix de détresse,
Aux clartés de ce monde elle clora ses yeux.

Là-bas où le gazon sur les tombes récentes
Se gonfle, son corps las ira se reposer,
Et les fils de la Vierge accourront s’enlacer
Sur sa fosse, parmi les herbes jaunissantes ;

Mais, comme une alouette à l’aube part des blés
Et dans l’air matinal s’élance harmonieuse,
Son âme, fleur de lis suave et radieuse,
Son âme montera vers les cieux étoilés…

II. — LE RETOUR AU BOIS.

La prison où Jean-Marc, le fier coupeur de chênes,
Rongeait son frein depuis six mortelles semaines
Vient d’ouvrir ses verrous.
Il bondit à l’air libre, il semble avoir des ailes,