qu’il a de défectueux, doit s’attendre à de terribles mécomptes, car ce passé résiste et se défend, et même quand il ne finit pas par être le plus fort, il impose à l’idée nouvelle de rudes épreuves.
Pour prendre un exemple que M. du Puynode aime à rappeler, qui lui a inspiré une grande partie de son premier écrit, et qui revient encore dans le nouveau, l’organisation de la Banque de France donne matière à plus d’une objection de la part de la science économique. Cette organisation subsiste pourtant depuis plus d’un demi-siècle ; elle a traversé cinq ou six révolutions en gagnant toujours de nouvelles forces. Elle jouit de la pleine confiance du public, cette puissance précieuse, si lente et si difficile à obtenir, qui constitue l’essence même du crédit. Au lieu d’essayer de la renverser, il serait sage de la surveiller, de discuter tous ses actes, afin d’atténuer autant que possible dans la pratique les inconvéniens de son monopole, tout en acceptant les engagemens et jusqu’aux habitudes qui le défendent. M. du Puynode lui oppose l’excès contraire, la liberté illimitée des banques. De bonne foi, comment espérer qu’une nation pourra ainsi passer d’un pôle à l’autre en matière de circulation fiduciaire ? Est-il bien sûr d’ailleurs que cette liberté absolue, sans règle, sans contrôle, soit le meilleur système ? Aucune nation n’en a fait complètement l’essai, et les événemens les plus récens survenus en Angleterre, en Écosse, en Amérique ne donnent pas des argumens en sa faveur. Ce n’est pas peu de chose que d’avoir contre soi l’autorité de sir Robert Peel.
M. du Puynode termine par un long chapitre sur les lois de la population. Partisan des idées de Malthus, il dit sans hésiter son opinion, et à mon tour je l’en loue sans réserve. Cette doctrine de Malthus, si injuriée, si calomniée, est peut-être de toutes les thèses de l’économie politique la plus évidente par elle-même et la plus utile à l’humanité. Tout ce qui peut la propager mérite d’autant plus d’estime, qu’il faut un véritable courage pour affronter tant de colères réelles ou factices. À propos de la charité légale, M. du Puynode se relâche un peu de sa rigueur ordinaire ; il admet des concessions, des tempéramens, ce qui est évidemment la seule solution raisonnable, humaine et possible. Nous rentrons ici dans notre position naturelle l’un à l’égard de l’autre. S’il m’en a coûté de me séparer sur quelques points, dans l’intérêt des idées que nous professons ensemble, de cet honnête et vigoureux champion, j’aime à lui rendre justice pour tout le reste. Les différences qui nous séparent n’ont au fond que peu d’importance, car il ne voudrait pas plus que moi, j’en suis sûr, voir arriver à la liberté économique ce qui est arrivé à la liberté politique après 1848.