Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matière, où il s’agit d’impôt et d’expropriation ; il appartient à des syndicats d’administrer ces routes une fois construites. Tout se passe, on le voit, en dehors des corporations municipales. Une dernière lacune qu’il ne faut pas reprocher à leur budget est relative aux théâtres. Néant à cet égard, pas la moindre allocation. Il faut croire que ce luxe ne paraît pas nécessaire au peuple anglais, ou que ce goût des riches rémunère comme il faut l’industrie qui le satisfait.

Ainsi voilà qui est clair : ce qui manque au budget des corporations en Angleterre ne manque pas à la société. Il y a en ce pays des mœurs, des richesses qui ne laissent au dépourvu rien d’essentiel et de grand, d’où il suit que le régime local n’y est pas à reprendre pour ses lacunes ; mais en peut-on dire autant des pouvoirs excessifs qu’il attribue quelquefois aux corporations ? Est-il juste que des questions locales où le bien-être et l’équité sont quelquefois si profondément engagés appartiennent aux localités sans appel ni recours possibles ? C’est livrer les individus et les minorités à l’épingle des coteries, qui savent si bien où blesser. En matière locale tout comme en matière politique, on n’est jugé que par ses ennemis ; mais dans le premier cas on peut facilement éviter que le jugement soit souverain.

Ici peut-être est le vice de ces gouvernemens municipaux, vice qui fut parfaitement senti à la chambre des lords à l’époque où se discutait le bill de réforme municipale adopté en 1835. Le but de cette réforme était surtout d’augmenter le corps des électeurs ; mais convenait-il de laisser intacts des pouvoirs dont la source était altérée ? Était-il sage de confier les mêmes attributions aux représentans d’un corps qui n’était plus le même, où allaient abonder des élément nouveaux et inconnus, capable d’impulsions aveugles et démesurées ? Dans cette défiance, voici ce que l’on fit : 1° la gestion des établissemens de bienfaisance ne fut pas confiée aux conseils municipaux ; 2° ces conseils ne purent aliéner les biens communaux qu’avec la permission de trois lords de la trésorerie. — On avait voulu faire infiniment plus. Au projet de loi ministériel, on avait ajouté ceci : que le quart du conseil municipal, l’état-major de ce conseil, serait nommé à vie. Élire dans ces conditions le maire et les aldermen, n’était-ce pas dédoubler le pouvoir municipal, y créant une hiérarchie, une tradition, une élite pour la garantie de tous les intérêts et pour la saine expédition des affaires ? Ce fut l’objet d’un amendement appuyé avec une rare insistance par ce qu’il y avait de plus considérable à la chambre des lords.

Le duc de Wellington, lord Wharncliffe et lord Ellenborough prétendirent « que, si cet amendement n’était pas adopté, les conseils municipaux deviendraient des anomalies dans la constitution. Ils