d’Auguste dont Suétone nous a conservé le nom, jusqu’aux humbles poètes contemporains dont l’abbé Spano a dressé une statistique curieuse pour cinq villages du Logudoro (district central de l’île de Sardaigne). Dans cette liste nombreuse, où figurent principalement des noms d’agriculteurs, on remarque beaucoup de femmes et jusqu’à des enfans.
Ailleurs, les paysans se réunissent pour chanter en chœur ; mais un ou deux seulement prononcent les paroles, et les autres se bornent à seconder le chant par un accompagnement à voix basse. Il est probable que ces chœurs à bouche fermée sont une tradition musicale de la plus haute antiquité. Souvent les chœurs servent d’accompagnement à des danses dont la plus populaire en Sardaigne est une espèce de ronde, ballo a vezzo, ou proprement ballo sardo. Les danseurs se placent au milieu du cercle, et les chanteurs, comme dans les anciens vers saturniens, marquent alternativement l’arsis et la thesis des paroles, d’abord en levant les mains en l’air, puis en frappant trois fois du pied. C’est tout à fait le tripudium antique[1]. En lisant, dans l’ouvrage du savant abbé Spano, ces rapprochemens et plusieurs autres du même genre, par exemple entre l’épode grecque et la pesada sarde, entre certains rhythmes poétiques et les modulations naturelles des instrumens destinés à les accompagner, tels que la flûte de Pan, dont les pâtres de la Sardaigne se servent encore, nous avons été frappé des lumières que l’étude des chants populaires italiens peut fournir pour celle de la poésie et de la rhythmique anciennes. Ajoutons que nulle part on ne suit mieux que dans ces anciens idiomes, plus approchés du latin, les curieux phénomènes de décomposition qui accompagnent et expliquent la formation des langues romane et française.
Les chants corses ont peut-être une originalité encore plus marquée que ceux des deux îles voisines : ils respirent le sentiment profond de la personnalité et de la dignité humaine, la bravoure sauvage, les affections vigoureuses et les douleurs tenaces, les haines héréditaires, les vendette immortelles, jointes à ces austères vertus sur lesquelles est venu s’implanter un catholicisme des plus fervens. Là aussi, les amoureux chantent des sérénades et répètent des pachielle en s’accompagnant de la guitare, comme en Sardaigne, mais en alternant leurs refrains avec des coups de fusil. Ce que l’on a dit du caractère primitif de ces chants peut se justifier par un rapprochement assez singulier. Parmi les peintures hiéroglyphiques
- ↑ Et pedibus pltaudunt choreas et carmina dicunt. (Virgile.)
. . . Ter pede lata ferire,
Carmina. (Calpurnius.)