d’un hypogée, Champollion a reconnu un fragment de-chanson égyptienne qu’il traduit ainsi :
- Battez pour vous (bis), ô boeufs,
- Battez pour vous (bis)
- Des boisseaux pour vos maîtres !
On retrouve la même idée dans un chant de laboureur corse :
- Tribia tu, chi tribia anch’ ellu,
- Mascarone e Cudanellu…
- Ohi ! tribiate, o boni boi,
- A tribiallu voi et noi !
- Chi lu granu tocchi a noi,
- E la paglia tocchi a voi.
- Battez, battez tous deux,
- Mascarone et Cudanello[1].
- Battez, ô bons bœufs,
- Battez pour vous et pour nous !
- A nous le grain,
- A vous la paille.
C’est au sentiment énergique des liens de famille que se rapportent les deux genres favoris de la poésie populaire en Corse : les chants du berceau et ceux de la tombe. Leurs ninni-nanne respirent cette tendresse mignarde et jaseuse qui se retrouve dans les nannarisma des Hellènes, dans les lullabies du Nord, dans les chansons finlandaises, partout enfin où il y a une mère et un enfant. On y reconnaît aussi cette fantasmagorie enfantine à l’aide de laquelle on dore l’entrée de la vie à ces petits êtres qui en connaîtront assez tôt les douleurs, et ces refrains intraduisibles dont l’insignifiance toute musicale a pour but de les provoquer au sommeil :
- Ninnina, la mia diletta,
- Ninnina, la mia speranza…
- Addormentati per pena
- Fate voi la ninnani, etc..
« Quand vous vîntes au monde, — on vous porta au baptême : — la marraine fut la lune, — et le soleil le parrain. — Les étoiles qui étaient dans le ciel — avaient de beaux colliers d’or[2]. »
Les voceri sont bien connus en France, grâce à l’intéressant recueil de M. Fée[3] et surtout à l’admirable roman où M. Mérimée a
- ↑ Noms de bœufs.
- ↑ La Sardaigne a aussi ses ninnidos, dont l’abbé Spano cite plusieurs exemples. Un savant du pays prétend avoir retrouvé, dans des fragmens inédits d’Ennius, certains de ces ninnidos, dont voici quelques échantillons
Eja ! annoinnonna
Ninnora et ninnonna
Ninnora Ninna !
Audimbironai !
Nora, nora andiro
Andimbironai ! - ↑ Voceri, chants populaires de la Corse.