Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Encore aujourd’hui, le département du Gers n’a véritablement que deux produits, les blés et les vins, mais il possède la plus grande culture de blé qu’il y ait en France, et il occupe le quatrième rang pour l’étendue de ses vignobles ; il n’a avant lui que l’Hérault, la Charente-Inférieure et la Gironde. Il peut jeter, année commune, dans la circulation générale, déduction faite de sa propre consommation, 500,000 hectolitres de blé et un million d’hectolitres de vin, soit en nature, soit converti en eau-de-vie. Ces énormes masses des denrées les plus encombrantes exigent les moyens de transport les plus perfectionnés, et il n’a eu longtemps que les plus défectueux. On peut dire sans exagération que, s’il avait été placé sur le bord de la mer ou seulement traversé par quelque grand fleuve, la richesse totale y aurait au moins quadruplé. Il pourrait aisément récolter le double de sa production actuelle, et en 1787 il en récoltait à peine la moitié, faute d’un écoulement suffisant. Le vin surtout, qui semble destiné à faire de plus en plus sa richesse, n’y atteignait qu’un prix illusoire ; de nos jours même, on l’a vu souvent à 5 francs l’hectolitre.

D’un autre côté, cette région a toujours été sujette, par sa position au pied des montagnes, à deux grands fléaux, la grêle et l’inondation, et de fréquentes épizooties, résultat inévitable des brusques alternatives dans la production des fourrages, la désolaient périodiquement. L’assemblée provinciale s’occupa de ces diverses questions avec cette prudence pratique qui cherche les véritables remèdes. L’élection d’Astarac, la plus exposée à la grêle, ayant sollicité des secours extraordinaires qui ne pouvaient être demandés qu’à l’impôt ou à l’emprunt, non moins fâcheux l’un que l’autre, l’assemblée les ajourna ; elle se borna à voter des remises de taille en faveur des plus pauvres cultivateurs atteints par le fléau. Toujours animée du même esprit d’économie, elle n’hésita pas à demander la suppression des haras et de la pépinière royale fondée par M. d’Étigny[1]. « Multiplier les chevaux de belle race ou corriger les défauts de l’espèce dominante, disait le bureau du bien public, tel est depuis longtemps l’objet des dépenses et des règlemens des haras. Tant d’efforts n’ont produit aucune amélioration bien sensible. Colbert lui-même, ce ministre habile, ne put mettre cette partie dans un état florissant. En vain fit-il venir des étalons de toutes les parties de l’Europe connues par la beauté de leurs chevaux, tout ce zèle n’eut qu’un succès passager. Le haras créé au Rieutord en faveur de cette province en est une preuve non équivoque :

  1. Il est à remarquer que le nom de M. d’Étigny n’est jamais prononcé dans les procès-verbaux ; son administration passait sans doute pour dépensière.