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éclata entre l’Espagne et la France, on traîna dans les cachots de malheureux Français qui étaient établis au Mexique depuis vingt ou trente ans. Un d’eux, craignant de voir renouveler le spectacle barbare d’un auto-da-fé, se tua dans les prisons de l’inquisition. Son corps fut brûlé sur la place de Quemadero. A la même époque, le gouvernement local crut découvrir une conspiration à Santa-Fé, capitale du royaume de la Nouvelle-Grenade; on y mit aux fers des individus qui, par la voie du commerce avec l’île de Saint-Domingue, s’étaient procuré des journaux français; on condamna à la torture des jeunes gens de seize ans, pour leur arracher des secrets dont ils n’avaient aucune connaissance. »

Il y avait donc dans la partie la plus éclairée de la société mexicaine une aspiration mal définie vers un ordre de choses libéral, lorsqu’on y sut les événemens dont la substance était que l’autorité royale, d’où émanait tout pouvoir dans la colonie, et à laquelle tout revenait, avait subitement disparu, presque comme la personne de Romulus dans un ouragan. Les natifs d’Espagne, qui donnaient le ton partout, qui faisaient la loi et la mode, furent dans leur rôle en manifestant avec chaleur un profond dévouement à la personne de Ferdinand VII et un sincère attachement à la métropole. Les Mexicains suivirent cet exemple par imitation et par politique; mais presque aussitôt ils donnèrent au mouvement la direction qui répondait à leurs besoins propres. Ce fut l’ayuntamiento de Mexico qui prit l’initiative.

C’était l’effet naturel et direct de cette activité des esprits qui se manifeste particulièrement dans les capitales où se réunit d’elle-même l’élite du pays. Mexico était de toute la Nouvelle-Espagne le point où les opinions nouvelles dont l’Europe était travaillée depuis 1789 avaient le plus de prosélytes, quoique personne encore n’y osât les avouer. L’opulence d’un certain nombre de familles qui exploitaient les mines d’argent de la Cordillère ou les vastes haciendas dans lesquelles on faisait du sucre ou de la cochenille, la richesse à laquelle s’étaient élevées d’autres plus nombreuses encore, avaient favorisé ces idées, ne fut-ce qu’en procurant aux personnes intelligentes le loisir et les moyens de s’instruire, ou en leur inspirant le désir de se signaler par des encouragemens donnés aux sciences et aux arts. Il y a une force irrésistible qui oblige tout ce qui sort du niveau commun, même par la richesse, à rendre ainsi hommage à la civilisation. Quand les événemens de la Péninsule eurent été bien connus, en juillet 1808, l’ayuntamiento de Mexico résolut de faire une démarche solennelle auprès du vice-roi. Il vint en corps, dans ses carrosses et en costume de gala, lui remettre une délibération où il protestait de son attachement sans bornes à