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par les Espagnols et passés par les armes, le premier après un jugement solennel à Mexico, le second, plus d’un an auparavant, après avoir fait des prodiges de valeur dans la fatale journée de Puruaran. Morelos, pour sauver la vie de ce lieutenant qu’il affectionnait et auquel il avait donné le premier rang après lui-même, offrit à Calleja de l’échanger contre un assez grand nombre de soldats espagnols qu’il semblait que le vice-roi aurait à cœur de sauver; c’étaient les derniers restes du bataillon des Asturies, qui avait figuré à Baylen et était venu au Mexique avec une grande renommée. Les indépendans les avaient faits prisonniers au Palmar, après un engagement très sanglant. L’inflexible Calleja aima mieux sacrifier ces braves gens que d’épargner Matamores. Et pourtant sur le champ de bataille de Puruaran les Espagnols semblaient avoir assouvi leur fureur : ils avaient célébré leur victoire en fusillant dix-huit colonels ou lieutenans-colonels. Comme si ce n’eût pas été assez de sang, Calleja répondit à la proposition de Morelos en faisant fusiller son prisonnier. Morelos répliqua par l’ordre d’exécuter les malheureux soldats du bataillon des Asturies; ils étaient plus de deux cents[1]. Voilà ce qu’était cette guerre!

Mais continuons l’énumération des principaux personnages de l’armée de l’indépendance. Miguel Bravo périt de la main du bourreau à la Puebla. Plusieurs autres chefs tombèrent sur le champ de bataille; tel Galiana, membre d’une famille qui se dévoua pour l’indépendance; Morelos, lorsqu’il apprit sa mort, qui suivit de près la capture de Matamoros, s’écria : «J’ai perdu les deux bras! » Tel Albino Garcia, qui fit des coups de main heureux contre les Espagnols et finit par succomber : il est devenu un personnage légendaire dans sa province. D’autres, en assez grand nombre, eurent le bonheur de vivre assez pour voir l’étendard de l’indépendance flotter sur toute l’étendue du sol de la patrie. Parmi ceux-ci, l’histoire enregistrera avec honneur le nom de Guadalupe Victoria[2], dont les aventures de 1815 à 1820, alors que l’Espagne avait repris le dessus, ressemblent à un roman. De même Bustamante échappa à tous les hasards de la guerre, quoiqu’il s’y fût exposé plus qu’un autre, et comme Victoria il fut élevé par le suffrage de ses concitoyens à la présidence de la république, une fois l’indépendance reconnue. Tel l’intrépide Guerrero, qui jamais ne déposa les. armes

  1. L’exécution fut cependant retardée, et l’on n’en fusilla qu’une partie.
  2. Son nom, à ce que rapporte M. Lucas Alaman, était Félix Fernandez. Il le changea pendant la guerre, pour en prendre un qui fût de circonstance. Guadalupe signifiait un indépendant, et Vittoria l’annonce de la victoire qu’il espérait. Son compagnon depuis célèbre, l’insurgé Teran, auquel il communiqua son dessein, lui dit qu’à tant faire il serait plus significatif de s’appeler Americo Triunfo (Americ Triomphe).