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la source de grosses et inutiles dépenses. Bien plus sages sont donc les hommes qui s’efforcent d’augmenter la proportion de leurs bêtes de rente ou de profit, parce que celles-ci assurent au cultivateur, soit une plus grande masse de produits réguliers, soit de plus nombreuses occasions de bénéfices.

Comme animaux de travail, on a le cheval, le bœuf, l’âne et le mulet parvenus à l’âge adulte; le bétail de rente ou de profit se compose, outre les reproducteurs de toute espèce et les jeunes bêtes qui en proviennent, de la vache, du bœuf d’engrais, des moutons, des cochons, en quelques endroits des chèvres, enfin à un degré d’importance inférieur des divers habitans de nos basses-cours.

Aujourd’hui la grande et la moyenne culture n’attellent guère que des chevaux, des bœufs, et dans certains pays des mulets. Malgré tous ses mérites, l’âne est trop faible pour les exigences de nos rudes travaux; il reste plutôt bête de bât ou se borne à rendre sur la ferme quelque autre service accessoire. Le mulet est plus fort: aussi l’utilise-t-on à la charrue dans les sèches contrées que des conditions climatériques obligent à employer ce sobre auxiliaire. La vache sert parfois; mais comme le travail nuit à l’abondance de son lait, on aurait tort de lui demander plus qu’elle ne peut fournir, de pénibles efforts tout le jour et du lait le soir. Le taureau s’attelle rarement. Dans plusieurs exploitations bien organisées, les vaches ou le taureau sont chargés seulement d’apporter l’herbe verte que pendant la belle saison on coupe chaque matin pour la nourriture du bétail, et ils laissent ainsi disponibles pour la charrue les attelages de gros travail. Réduit à une telle mesure, l’emploi de ces animaux est sage, quand on a des domestiques capables de dominer le taureau et de ménager soigneusement les forces de la vache. En exiger plus ou les confier à toutes mains serait chose imprudente. La question, en définitive, reste dès lors sur la plus grande surface de la France pendante entre le bœuf et le cheval. Les uns prônent exclusivement le cheval, les autres le bœuf; les uns et les autres ont tort, quand ils formulent un jugement absolu. En agriculture, le choix à faire dépend toujours des circonstances dans lesquelles on se trouve, et il faut se garder d’attribuer au problème une solution unique, car souvent l’emploi simultané du cheval et du bœuf, — non pas au même attelage, leurs allures sont trop différentes, mais séparément sur la même exploitation, — peut devenir la combinaison la plus économique. Du reste, les considérations sur lesquelles se règle la préférence accordée soit à l’un, soit à l’autre, sont multiples. Le cheval acquiert à cinq ans sa plus grande valeur commerciale, ensuite son prix marchand diminue; on doit donc, avec une écurie de travail, se préoccuper de la dépréciation continue des bêtes qui dépassent l’âge de cinq ans, et calculer l’amortissement