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d’argent, s’inquiètent peu de l’amélioration du sol et du sort de ceux qui le cultivent. Néanmoins ces exemples exercent une incalculable influence ; ils donnent pour ainsi dire le ton, et en tout cas ils modèrent et ils adoucissent les effets d’un droit qu’en Belgique comme en bien d’autres pays on exerce dans toute sa rigueur. Les conséquences du même contrat, le bail à ferme, sont donc bien différentes suivant qu’on se transporte sur l’un ou l’autre bord de la Mer du Nord, et il est certain que le sort du fermier est infiniment plus heureux en Angleterre qu’en Belgique.

De tous ces faits on serait tenté de conclure que si la petite propriété offre d’excellens résultats et pour la culture et pour le cultivateur, quand celui qui exploite la terre la possède, dans le cas contraire la grande propriété assure une meilleure condition au fermier. La petite propriété combinée avec la location, dans un pays très peuplé, comme cela se voit toujours, place le cultivateur dans la pire des situations. Appliqué à des populations qui n’auraient pas pour les travaux des champs un goût instinctif très prononcé, ce système produirait le découragement, et pourrait avoir pour la production et le travail agricoles les plus fâcheuses conséquences. Est-ce à dire qu’il faille condamner la petite propriété, constituée même comme en Belgique, et que l’économiste doive recommander la reconstitution des grands domaines ? Loin de là, car des questions de cet ordre présentent plus d’une face, et il faut toujours considérer le but définitif auquel tend l’humanité, sans juger ce qui existe par les inconvéniens d’une situation transitoire.


II

Après avoir indiqué la part que prennent en Belgique dans le produit agricole le propriétaire et le fermier, il nous reste à faire connaître la condition du simple ouvrier rural : elle ne se présente pas, il faut bien le dire, sous des couleurs plus favorables que celle des locataires. Le salaire moyen était porté pour 1846 à 1 fr. 13 c. par jour. Depuis cette époque, il s’est relevé, et on pourrait le porter pour 1860 à 1 fr. 25 c. S’il approche, dans certaines parties du pays, de 2 fr., dans d’autres districts il tombe même au-dessous de 1 fr. On a remarqué en Angleterre qu’en divisant le pays en deux régions, l’une où domine l’industrie et l’autre où domine l’agriculture, on trouve que c’est dans la première que le salaire est le plus élevé, même dans les campagnes. En Belgique, le même fait se présente. La ligne de partage entre les hauts et les bas salaires suivrait à peu près les limites qui séparent les Flamands des Wallons. Dans la région flamande, de beaucoup la mieux cultivée, l’ouvrier de la