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supplémentaires, dont le détail échappe aux recherches les plus minutieuses de la statistique.

Il n’est pas difficile d’indiquer les causes principales des deux faits qui caractérisent la condition de ceux qui cultivent la terre : d’une part les profits minimes que réalisent les fermiers, de l’autre la rétribution et par suite l’alimentation insuffisantes des simples travailleurs. De ces deux causes, nous en avons déjà indiqué une : c’est la constitution de la propriété et la nature des contrats agricoles ; la seconde, qui agit conjointement avec la première, c’est l’extrême densité de la population. Elle est deux fois plus forte qu’en France, car, tandis que dans ce dernier pays on compte 6,781 habitans par myriamètre carré, on en trouve 15,380 en Belgique. Or, dans les circonstances actuelles, cette multitude d’hommes rassemblés sur un espace relativement restreint amène la concurrence des bras qui s’offrent au rabais, et par suite la portion de la richesse produite qui reste entre les mains des classes laborieuses ne suffit pas à la satisfaction de leurs besoins.

Quoique le nombre des cultivateurs belges soit très considérable eu égard à la surface territoriale, néanmoins la population agricole forme une moindre partie de la population générale que dans les autres pays, sauf en Angleterre, car elle n’en fait qu’un peu plus du tiers, c’est-à-dire qu’un individu qui cultive la terre récolte d’abord de quoi se nourrir lui-même, et puis de quoi suffire à la consommation de deux autres personnes. Et pourtant l’étendue dont il dispose est très restreinte, puisque la totalité de la surface du territoire répartie entre tous ceux (enfans, femmes et adultes) qui appartiennent à la population rurale ne donne par tête que 2 hectares. Il résulte nécessairement de ce fait que les exploitations doivent être à la fois très nombreuses et très petites. On comptait en Belgique, en 1846, 572,550 exploitans, c’est-à-dire deux fois plus que dans la Grande-Bretagne. Aussi l’étendue moyenne de chaque exploitation, que M. de Lavergne porte pour l’Angleterre à 60 hectares, tombe-t-elle en Belgique à 4 hectares 1/2, si on compte tout le domaine productif, et même à 3 hectares, si on défalque les bois et les terres incultes. C’est là réellement de la petite culture[1].

  1. La statistique constate à ce sujet des faits bien frappans. Sur 100 exploitations, on en a trouvé 43, c’est-à-dire près de la moitié, qui n’ont pas même un demi-hectare, 41 inférieures à 5 hectares, 8 qui n’atteignent pas 10 hectares, et 8 seulement qui dépassent cette dernière limite. Les fermes de 50 hectares sont si rares que, sur 10,000 exploitations, on n’en trouve que 75 qui arrivent à cette importance, et quant à celles qui contiennent plus de 100 hectares, on n’en a rencontré dans tout le royaume que 1,004, c’est-à-dire à peine 1 sur 500.