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contractés depuis qu’il est suspendu les ont augmentées de 150 millions. Il aurait fallu compliquer de trop de détails les comparaisons auxquelles j’ai procédé pour faire la part exacte de chaque exercice; mais lorsqu’on rapproche les budgets de la période pendant laquelle opérait l’amortissement des budgets de la période où il ne fonctionne plus, il est cependant nécessaire et surtout il est juste de tenir compte d’une semblable différence.

Jusqu’ici je n’ai cherché de leçons que dans notre propre histoire. Pour ne rien négliger du conseil si sagement donné par M. Magne au corps législatif, demandons maintenant des enseigne- mens à l’histoire de l’Angleterre. Ce seront en effet des enseignemens plutôt que des comparaisons, car il est difficile de comparer exactement des pays, des sociétés, des gouvernemens qui offrent de si profonds contrastes. C’est ce qu’objectent d’ordinaire aux rapprochemens avec l’Angleterre ceux à qui ces rapprochemens déplaisent. Pourquoi faut-il qu’à leur tour, au lieu de s’inspirer avec discernement des bons exemples donnés chez nos voisins, ils aillent si souvent y chercher soit dans un passé mal connu et superficiellement jugé des précédens politiques sans application possible, soit dans un présent incompris des enseignemens économiques près d’un peuple qui, en pareille matière, fait si bon marché des doctrines et a la sagesse de n’agir que selon ses intérêts particuliers? J’espère éviter ces écueils, et d’un rapide aperçu des budgets de l’Angleterre je veux uniquement faire ressortir un exemple de bonne direction générale imprimée à la fortune publique, et la démonstration des avantages d’une intervention incessante et efficace de la nation dans le règlement de ses intérêts. Que cette intervention, que ce contrôle soient parfois gênans pour le pouvoir, c’est ce que personne ne nie; mais c’est aussi ce que tout le monde accepte en Angleterre, ses hommes d’état tout les premiers, comme le faisaient autrefois les nôtres. Nulle part on ne semble avoir mieux médité sur des paroles dont la France, où elles ont été écrites, n’a pas assez profité : « Les besoins imaginaires sont ce que demandent les passions et les faiblesses de ceux qui gouvernent, le charme d’un projet extraordinaire, l’envie malade d’une vaine gloire et une certaine impuissance d’esprit contre les fantaisies. Souvent ceux qui, avec un esprit inquiet, étaient sous le prince à la tête des affaires ont pensé que les besoins de l’état étaient les besoins de leurs petites âmes[1]. » Heureux les pays où les mœurs, les traditions, les lois, mettent à la tête des affaires publiques des hommes qui cherchent dans le pouvoir autre chose que de vaines apparences, des satisfactions d’amour--

  1. Esprit des Lois, livre XIII, chapitre 1er.