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propre et des avantages personnels, des hommes qui, ne se croyant pas infaillibles, trouvent dans leur responsabilité une sauvegarde contre les entraînemens ! Heureux les souverains que les mœurs, les traditions, les lois, protègent contre eux-mêmes et contre les révolutions!

De 1830 à 1848, le total des budgets de l’état[1] s’est élevé en Angleterre à 21 milliards 680 millions, soit, en moyenne annuelle, 1 milliard 200 millions; on a vu plus haut que la même période donne à peu près la même moyenne (1 milliard 287 millions) pour les budgets français. De 1848 à 1861, les budgets anglais offrent un total de 20 milliards 268 millions, d’où ressort pour les treize années une moyenne de 1 milliard 580 millions; la moyenne de ces treize années est pour la France de 1 milliard 880 millions, c’est-à-dire de 320 millions plus forte que la moyenne anglaise. La progression croissante des budgets a donc été bien plus rapide chez nous que chez nos voisins : la moyenne de ces treize années comparée à la moyenne des dix-huit années antérieures constitue dans les deux pays un surcroît total de charges qui, pour la France, est de 7 milliards 700 millions, et pour l’Angleterre de 4 milliards 680 millions[2]. Mais ce n’est pas tout ce que ces rapprochemens nous apprennent. Si l’Angleterre paraît avoir renoncé à l’amortissement tel que nous le comprenons, tel qu’elle l’a pratiqué longtemps elle-même, elle procède à la réduction de sa dette au moyen de l’affectation d’excédans de recettes[3]. Au point de vue de la diminution de la dette, ce procédé est également efficace sous une administration financière économe et prévoyante; il présente même l’avantage de ne pas peser également sur les situations bonnes ou mauvaises, sur les années de déficit et sur les années d’excédant,

  1. On sait qu’il y a en Angleterre un certain nombre de taxes locales qui ne sont pas comprises dans les budgets et dont le chiffre réuni monte assez haut. Il y aurait lieu de tenir compte de ces taxes, s’il s’agissait de comparer les charges supportées par les contribuables dans chacun des deux pays; mais les rapprochemens faits ici ont pour but unique de montrer quelle influence salutaire le contrôle efficace des représentans du pays exerce sur la progression des dépenses publiques.
  2. En France. En Angleterre.
    La moyenne de 1848 à 1861 est de 1,880,000,000 1,560,000,000
    Celle des années 1830 à 1848 est de 1,287, 000,000 1, 200,000,000
    Différence en plus de la moyenne annuelle de la période actuelle 593,000,000 360,000,000
    Soit pour treize ans 7,709,000,000 4,680,000,000
  3. Une partie de la dette anglaise consiste en annuités, dont l’amortissement s’opère de lui-même par les remboursemens successifs.