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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/222

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sulte de là, disait ce rapport, que si le pouvoir législatif a le droit de voter l’impôt et de fixer les limites des grandes divisions du service public, le gouvernement, tout en se renfermant strictement dans ces bornes infranchissables, doit seul assigner aux parties si nombreuses des services confiés à ses soins les dépenses nécessaires à leur action. C’est par là seulement qu’il peut mettre en jeu les ressorts de l’administration, les coordonner à ses pensées, les faire concourir à son but final. Sans cela, la prérogative de la couronne est amoindrie, le pouvoir descend de sa haute sphère, il est réduit au rôle d’un simple commis à gages. » Neuf années se sont écoulées depuis lors, et M. Fould ne pense pas autrement que pensait alors M. le président du sénat; il l’a déclaré formellement en ces termes : « Le retour pur et simple à la spécialité par chapitre déplacerait seulement la responsabilité en faisant intervenir le pouvoir législatif dans l’administration, mais il ne rétablirait pas l’équilibre dans nos finances. Cependant, puisque votre majesté a promis la division par grands chapitres, je ne vois pas de grands inconvéniens à cette modification, pourvu que les chapitres ne renferment que de grandes divisions[1]. » Les grands chapitres dont parlait M. Fould sont devenus les sections du sénatus-consulte du 31 décembre 1861. Le rapport de M. Troplong sur les dernières modifications apportées à la constitution a fortement insisté pour faire comprendre que le système fondamental de la constitution de 1852 ne recevait à cet égard aucune atteinte. On peut même dire que M. Troplong, déclarant très catégoriquement, dans un pareil document, qu’à ses yeux le budget n’est qu’un abonnement, a resserré les limites antérieures par l’interprétation qu’il a donnée d’un acte destiné à les étendre[2].

  1. Mémoire à l’empereur.
  2. « Un orateur célèbre, M. Royer-Collard, a appelé l’abonnement un système étroit, grossier, impuissant, d’un autre âge et d’un autre gouvernement; mais ces paroles ne sauraient s’adresser qu’à l’insouciance qui se livre à forfait sans avoir fait ses comptes : elles n’ont rien d’effrayant pour l’abonnement stipulé après de sérieux calculs, après une évaluation raisonnée de la recette et de la dépense. Or c’est ainsi que procède le corps législatif, qui ne vote les fonds qu’en grande connaissance de cause. Pourtant il ne lui est pas défendu de mêler une confiance réfléchie à l’exercice de cette prérogative inaliénable d’un de ses droits les plus essentiels parmi ceux qui furent revendiqués en 1789. Il interroge les besoins, pèse les ressources, alloue les subsides pour que le gouvernement en use en sa qualité d’administrateur souverain, sauf à en rendre compte. Il y a plus, et quand le gouvernement vient demander aux députés le grand et annuel subside national, ceux-ci excéderaient toutes les limites d’un contrôle sensé, s’ils voulaient à tout prix substituer leurs vues personnelles aux lumières qu’il puise dans le maniement des affaires intérieures et extérieures, dans la connaissance précise des besoins et des faits, dans le sentiment de son devoir et de sa responsabilité. » (Rapport au sénat sur le projet de sénatus-consulte du 31 décembre 1861.)