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l’empire[1]. Nous voudrions aujourd’hui tenter une étude analogue sur les premiers rapports de la restauration avec les cabinets étrangers : heureux si, après avoir mis en lumière quelques circonstances, jusqu’alors ignorées, des ouvertures de Francfort et des conférences de Châtillon, il nous était donné, par un rapprochement qui n’a rien de factice, de montrer quelles fuient, au lendemain du traité de Paris, les relations du roi Louis XVIII avec les puissances qui venaient de le rétablir sur son trône.

Mais où surprendre l’insaisissable vérité ? Bien grand serait l’ennui, s’il fallait la chercher dans la fastidieuse collection des protocoles interminables qu’ont échangés autour de leur tapis vert les plénipotentiaires réunis en 1815 dans la capitale des états autrichiens. Plus vaine encore serait l’espérance de la retrouver dans les feuilles du temps, dans les pamphlets des partis, dans la foule bigarrée des mémoires de fantaisie que notre génération a vus éclore. En matière de transactions diplomatiques, rien ne vaut le témoignage de ceux qui les ont conduites, et encore faut-il choisir. Il est sage de se méfier des notes officielles et des révélations tardives. Parmi les pièces émanées des négociateurs, celles-Là seules méritent confiance qui, écrites au moment même, n’étaient pas destinées à la publicité. Ainsi le jour s’est lait sur les ouvertures de Francfort par le rapport confidentiel de M. de Saint-Aignan, rapport trop sincère pour être tout entier livré au public, et qui, d’abord mutilé sur un premier ordre de l’empereur, fut définitivement rayé des colonnes du Moniteur. Ainsi la correspondance du duc de Vicence a divulgué le secret des conférences de Châtillon, et justice a pu être enfin rendue aux patriotiques efforts de ce loyal serviteur de l’empire, obligé de lutter à la fois avec une fermeté également admirable contre les impérieuses exigences de nos ennemis et contre les illusions tenaces de son maître.

Il existe heureusement sur les négociations du congrès de Vienne des documens d’une valeur égale : ce sont les lettres particulières qu’en dehors de ses dépêches officielles M. de Talleyrand adressait régulièrement au roi Louis XVIII. Ces lettres, qu’on pourra lire un jour dans les mémoires du prince, n’ont jamais été livrées à la publicité ; parmi nos modernes historiens, ceux qui les ont connues n’en ont cité que des lambeaux. En puisant abondamment à cette source privilégiée, nous aurons soin de contrôler les assertions du représentant de la politique française par l’étude des correspondances des diplomates étrangers qui siégeaient à côté de lui. À aucune de ces pièces nous n’entendons attacher d’ailleurs une confiance exclusive. Ce n’est pas nous qui oublierons jamais que les

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1861.