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Si l’on en jugeait par les dernières nouvelles arrivée d’Amérique, la conclusion inévitable de la guerre civile devrait être le triomphe de l’Union américaine sur ce que l’on appelle aux États-Unis la secessia. La prise de la Nouvelle-Orléans était une condition essentielle du dénoûment de la guerre civile. En admettant en effet que le nord et l’ouest des États-Unis dussent consentir à la séparation des gulf-states, il est certain qu’ils ne pourraient accorder cette concession qu’à la condition que l’Union demeurât maîtresse du cours et de l’embouchure du Mississipi. Le Mississipi est en effet le grand débouché des états de l’ouest, et le far west, où se poursuit le développement continu de l’Union, ne peut laisser en des mains ennemies l’issue nécessaire de son commerce. Il y a là une de ces nécessités géographiques pour lesquelles les peuples supportent les guerres les plus sanglantes et les plus dispendieuses, et dont ne tiennent pas un compte suffisant ceux qui se figurent que la séparation des états du sud pourrait s’accomplir à l’amiable. Le poste de la Nouvelle-Orléans occupé, c’est à Corinth dans l’ouest, à Yorktown au nord, que vont prochainement s’accomplir les faits militaires qui décideront du sort de la présente campagne. Quand les fédéraux sortiraient vainqueurs d’un nouveau choc avec les troupes du général Beauregard et de l’attaque préparée par le général Mac-Clellan contre les lignes d’Yorktown, il n’est pas certain qu’ils pussent pousser cette année leurs avantages au-delà des états frontières. On avait attribué, et non à tort, au voyage de M. Mercier à Richmond un caractère d’exploration diplomatique ; on disait que le représentant de la France avait voulu s’assurer par lui-même des dispositions du gouvernement de Richmond et rechercher si les chefs de la sécession seraient disposés à se prêter à une négociation. Nous croyons que les résultats pacifiques que l’on aurait pu se promettre du voyage de M. Mercier ne se sont point réalisés, et que notre ministre a rencontré chez les meneurs de Richmond une obstination inflexible. Il ne faudrait point conclure de la démarche de M. Mercier que la France éprouve pour les états du sud une injuste partialité. Certains journaux officieux qui, avec une si infaillible sûreté d’instinct, se sont faits parmi nous les organes de l’insurrection des propriétaires d’esclaves ne seraient pas fâchés de donner à penser que le gouvernement français voit d’un œil favorable la cause du sud. Ces journaux font, par une telle manœuvre, injure au gouvernement, dont ils ont lu prétention d’être les officieux interprètes, et nous sommes convaincus qu’ils ne rendent point sa pensée. Il est des choses si claires, si évidentes par elles-mêmes, qu’aucun artifice ne les peut travestir. De cette nature sont les intérêts de la France dans la question américaine. Il est manifeste que la dislocation de l’Union américaine, qui serait la destruction d’une des œuvres de la France, serait en même temps un grave échec pour nos intérêts dans le monde. Nous n’aimons point à faire appel aux jalousies nationales ; est-il cependant possible de se dissimuler que cet événement aurait pour l’Angleterre un ca-