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des savantes recherches historiques que renferment les pages de lord Brougham, on y découvre deux points de vue dominans : le premier, que la vraie science du gouvernement mixte et parlementaire est la science des compromis et des concessions mutuelles, c’est-à-dire que chaque parti politique, chaque branche du pouvoir doit alternativement se résoudre à ne voir jamais réaliser qu’incomplètement l’objet de ses vœux et de ses efforts les plus légitimes : grand et sage principe, dont on ne saurait trop proclamer l’utilité et l’importance ; le deuxième point de vue, c’est que le droit de résistance est le fondement même et la sauvegarde du système politique des Anglais, ce que démontre, dans l’ouvrage même, la suite des événemens.

Peut être sera-t-il difficile au lecteur français de suivre le noble auteur à travers cette longue leçon d’histoire, faite sous le double aspect du droit qu’a le peuple de résister à toute oppression et de la science des Compromis politiques. En effet, dans la succession un peu confuse des faits exposés par lord Brougham, on voit disparaître quelquefois si complètement et durant des intervalles si longs l’exercice et la notion du droit de résistance, qu’on s’étonne de le retrouver encore assez vivace et assez fort pour venir juste au moment favorable remporter la dernière victoire et marquer la base des institutions de l’empire britannique. La science des compromis réciproques entre les partis opposés n’a pas moins contribué pour sa part, selon lord Brougham, à créer l’Angleterre moderne, on ne saurait le contester ; mais il faut avouer aussi qu’elle fut de fort peu d’usage sous les Stuarts, comme le droit de résistance avait été bien oublié sous les Tudors.

Aussi cette double pratique du droit de résistance et de la science des compromis, érigée par la complaisance patriotique de lord Brougham en un système raisonné et de tout temps appliqué en Angleterre, pourrait-elle n’être, après tout, que le résultat des nécessités ordinaires de la vie historique d’une nation ; chez tous les peuples les luttes ont toujours été soutenues par l’esprit de résistance, et le succès définitif d’un parti a toujours été acheté par quelque compromis plus ou moins apparent. Les victoires absolues sont bien rares dans le monde. Si la théorie des compromis formait le fond des idées politiques d’un peuple, et qu’il en acceptât d’avance l’application constante, la pierre philosophale, en fait de gouvernement, serait trouvée, et les constitutions, ailleurs même qu’en Angleterre, pourraient presque prétendre à une éternelle durée.

Sans accorder absolument aux Anglais le monopole de l’esprit de résistance et de compromis, on doit reconnaître pourtant que ce peuple a toujours montré en ce point une supériorité dont au reste