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jamais voyageurs de la Maremme n’arrivèrent à Follonica avec des chevaux plus fringans et par une plus belle nuit.

Nous descendîmes à l’auberge en y demandant un gîte. On nous regarda curieusement, car l’on avait peine à se figurer que deux forestieri pussent ainsi faire un voyage de plaisir à Follonica. La bonne saison en effet était loin d’être venue sur ce point désolé de la Maremme. On était aux premiers jours d’octobre, et les pluies d’automne avaient déjà grossi le volume de l’eau impure de l’étang, sans que pour cela elle pût mieux s’écouler. Dans les maquis, la terre était comme inondée. Le soleil, apparaissant après la pluie, avait facilité les émanations d’un sol vierge, d’un terreau qui n’a pas été remué depuis des siècles. La chaleur était en quelque sorte intervenue comme un agent de laboratoire, et avait rendu encore plus considérable la décomposition des matières végétales et animales contenues dans l’humus. Aussi tout le monde avait fui de Follonica ; une auberge seule restait ouverte. Les nombreux cafés, qui pendant l’hiver reçoivent dans leurs salles bruyantes les ouvriers de l’usine à fer et les matelots de la rade, étaient aussi presque tous fermés. Le marchand avait clos sa boutique ; les hauts-fourneaux étaient éteints, et l’usine, abandonnée à la garde d’un seul surveillant, ne devait rouvrir ses portes qu’au commencement de novembre. Sur la jetée en charpente, où quelques mois auparavant de nombreux navires partis de l’île d’Elbe débarquaient le minerai, se promenait alors un seul douanier, triste et pâle, les yeux mélancoliquement fixés sur la pleine mer, où ne se montrait aucune voile.

Tel fut le spectacle que nous présenta la ville le lendemain de notre arrivée. Il n’avait rien de bien attrayant ; mais mon ami et moi étions aguerris contre l’ennemi invisible, la fièvre maremmane, dont le nom n’est cependant prononcé par les Toscans qu’avec une sorte de terreur. Le matin, nous avions soin de ne pas sortir à jeun, et nous allumions un cigare pour chasser, par la fumée du tabac, les miasmes fiévreux. Le jour, nous prenions quelques poncini, mélange d’eau-de-vie ou de rhum, de sucre, de citron et d’eau chaude, consacré par l’expérience pour maintenir le corps en éveil. Enfin le soir nous commandions qu’on passât dans nos draps cette espèce de bassinoire particulière à ces localités, et que l’on a décorée, je n’ai jamais pu savoir pourquoi, du nom pieux de prêtre. Quelques charbons allumés qu’on y dépose répandent dans le lit une agréable chaleur, et enlèvent leur humidité aux draps, ce qui prévient un accès de fièvre. En Maremme, on est du reste exposé à s’étendre dans un lit où s’est déjà roulé plus d’un voyageur, et l’usage du prêtre ne laisse pas, en ce cas, d’avoir son bon côté.

L’usine métallurgique de Follonica, but de notre visite, contenait