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maritimes, l’autre son armée de terre. Or, si nous nous reportons à quinze ans en arrière, à 1847, qui fut une année normale où notre marine n’eut pas à faire les armemens de 1840-41, ni à subir dans ses ressources la réduction que lui imposa la détresse du trésor après 1848, une année où l’Angleterre elle-même n’eut aucune raison ni de diminuer ni d’augmenter ses armemens, on verra que le budget de la marine française en 1847, le nombre de ses bâtimens armés, le chiffre des marins entretenus sous son pavillon, ne diffèrent pas sensiblement de l’état prévu par le budget voté pour l’exercice 1862[1]. Il en est tout autrement pour l’effectif de l’armée anglaise, et surtout pour la proportion de cette armée qui est entretenue en Angleterre, à nos portes mêmes. En 1847, l’effectif des troupes régulières qui tenaient garnison dans les villes du royaume-uni se composait en grande partie des dépôts des régimens qui servaient au dehors, et ne s’élevait pas, la garde comprise, au chiffre de 30,000 hommes. En cas d’urgente nécessité, on n’aurait pu y joindre que les pensionnaires de Chelsea, la police et quelques escadrons de yeoman, ou milice à cheval. Aujourd’hui on a réorganisé la milice, plus de cent vingt régimens ; on a organisé les riflemen volunters, 170,000 hommes, disait lord Palmerston dans l’un de ses derniers discours, et, ce qui n’est pas moins important que le reste, la moyenne de l’effectif des troupes de la garde ou de l’armée de ligne qui sont entretenus en Angleterre même est bien près aujourd’hui de 100,000 hommes, si bien que, dans la discussion du dernier budget, le député de Lambeth, l’honorable M. Williams, s’élevant contre ces armemens exagérés, soutenait en pleine chambre des communes, et sans être contredit par personne, que l’ensemble des corps organisés présens dans les comtés du royaume-uni permettrait d’appeler au premier jour 400,000 hommes sous les armes. Nous ne nous plaignons pas, et cependant, si nous nous inspirions par réciproque de défiances analogues à celles qui ont cours chez nos voisins, ne pourrions-nous pas leur dire qu’ils prennent leurs dispositions pour avoir toujours une armée de 100,000 hommes au service de la première coalition qui se formera contre nous ? Depuis nombre de siècles, qu’y a-t-il dans l’histoire de plus fréquent que les coalitions provoquées par l’Angleterre contre la France, et qu’y a-t-il de plus rare qu’une invasion de la Grande-Bretagne par la flotte ou par les armées françaises ?

Si nous sommes entré dans cette longue discussion, c’était pour montrer qu’il n’est pas un des argumens que l’on invoque de l’autre

  1. Le budget voté pour 1862 s’élève à la somme de 126,015,419 francs.