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en ce que, la rédaction et l’expédition des dépêches ayant été faites à la hâte, on n’y a pas mis toute l’attention requise, et il s’y est glissé plusieurs fautes. Maintenant, après un scrupuleux examen, nous avons découvert ces fautes, ce qui prouve que votre noble grandeur a un discernement clair et profond et que votre esprit embrasse tout. Aussi ai-je pour vous un respect et une déférence sans bornes. Voici que tout a été examiné, comparé et corrigé, et ceci me fait penser aux relations cordiales que les anciens avaient entre eux. Ils disaient tout ce qu’ils avaient sur le cœur sans rien se cacher, et s’il arrivait qu’une chose leur déplût, ils le manifestaient clairement, afin que de part et d’autre on eût le cœur ouvert, et qu’il ne restât aucune arrière-pensée ; ce qui revient à dire que, quoiqu’ils eussent des corps distincts, leurs cœurs cependant ne faisaient qu’un. Or voici que dans des dépêches il s’est glissé des choses incorrectes ; votre noble grandeur m’a aussitôt ouvert son cœur avec sincérité et m’en a averti clairement. Cela fait voir que nos cœurs s’entendent, et que vraiment vous me portez de l’affection. C’est pourquoi non-seulement je me soumets à la haute intelligence de votre grandeur, mais je me rends bien plus encore à votre sincérité. Les anciens disaient : « Quand dans la vie on a trouvé un ami, on peut être exempt de tristesse. » Or votre noble grandeur est assurément mon ami. Il y a déjà plus d’une demi-année que je suis séparé de votre personne, les tristes pensées qu’inspire une aussi longue séparation se sont suivies comme les journées sans interruption aucune. Je sais que M. de Ferrière doit arriver à chaque instant, j’espère que vous m’informerez promptement de son arrivée, afin que nous réglions convenablement l’époque où nous pourrons nous revoir et nous manifester mutuellement nos sentimens. Quant à moi, l’encre et le pinceau ne sauraient exprimer ce que j’éprouve. En attendant, je profite de l’occasion que me fournit cette réponse pour vous souhaiter un bonheur toujours croissant. (Dépêche qu’il est important de faire parvenir.) »


Je n’ai pas l’intention d’entrer dans le détail des négociations, ni de mentionner la teneur de la pétition adressée par Ki-yng à son souverain, et convertie ensuite en décret impérial ; ce document a été souvent publié et commenté : j’ai voulu seulement indiquer à l’aide de quels argumens et au milieu de quelles difficultés M. de Lagrené était arrivé à faire prévaloir vis-à-vis des plénipotentiaires chinois le principe de la liberté de conscience.

L’effet produit par la déclaration impériale fut très grand. Les Anglais regrettèrent vivement qu’une concession semblable étant possible, leur représentant n’eût pas fait ses efforts pour l’obtenir ; toutefois il n’était peut-être pas juste d’en faire un reproche à sir Henry Pottinger ; il est douteux que cette concession fût au nombre de celles, qu’on pouvait obtenir les armes à la main. Quoi qu’il en soit, l’opinion s’accrédita que M. de Lagrené jouissait auprès du gouvernement chinois d’un crédit tout à fait exceptionnel. Le gouverneur portugais de Macao et le conseil colonial s’adressèrent à