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une idée aujourd’hui ; mais il était dans la nature des choses que des difficultés analogues continuassent à se présenter sous une forme ou sous une autre. On avait toujours à indiquer aux néophytes jusque quel point ils pouvaient rester fidèles aux usages de leur pays. Ces questions délicates demandaient de la part de ceux qui étaient chargés de les trancher un esprit de judicieuse tolérance. En restant inflexible sur les points essentiels, il était à désirer qu’on ne mît point en oubli la maxime in dubiis libertas. Agir autrement, c’était s’exposer à soulever des animosités que la cour de Pékin elle-même, malgré ses bonnes dispositions, serait impuissante à calmer. Pour le premier moment surtout, les chrétiens avaient le plus grand intérêt à se contenter du résultat qui leur était acquis. Beaucoup de missionnaires se firent l’illusion que les temps de l’empereur Khang-hi étaient revenus ; les membres des congrégations religieuses jouissaient alors à Pékin d’une influence prépondérante et incontestée, ils avaient, de l’aveu et avec l’assentiment du gouvernement chinois, la direction de toutes les affaires religieuses.

En 1845 la situation n’était plus la même. Où était parvenu à vaincre les préjugés contre le christianisme ; le préjugé contre les étrangers restait debout. Ceux des missionnaires qui vivaient dans l’intérieur du pays devaient donc éviter avec soin tout ce qui pouvait appeler l’attention sur eux. À ceux qui résidaient dans les cinq villes ouvertes au commerce revenait la belle et utile tâche de créer des séminaires, de former les jeunes prêtres indigènes qui, envoyés ensuite dans les paroisses de l’intérieur, auraient sur leurs compatriotes une action d’autant plus grande qu’elle s’exercerait dans l’ordre purement légal. Il est à remarquer en effet que les préventions chinoises s’attachent beaucoup moins au prêtre qu’à l’homme du dehors ; un nombre considérable de mandarins et une grande partie de la population ont la conviction que les prêtres européens sont des éclaireurs envoyés par les gouvernemens d’Occident pour sonder le terrain et préparer la conquête du pays.

Quelles que fussent les nécessités d’une telle situation, on comprend bien que les vénérables apôtres de la foi catholique vissent avec douleur le maintien de l’exclusion légale dont l’ancienne législation les frappait. Le déplaisir que plusieurs d’entre eux en éprouvèrent contribua à leur faire envisager la mesure de la révocation des édits sous son jour le moins favorable. Cette disposition se laisse particulièrement apercevoir dans l’ouvrage publié par le père Huc à son retour de Chine. Il déclare que les concessions obtenues en faveur des chrétiens « lui paraissent insuffisantes et presque illusoires. » Cependant une lecture attentive de ce même ouvrage nous