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brebis qui servent à un festin de funérailles, et on enveloppe ses cendres, de leurs peaux. Les chefs de ces peuplades, qui prennent uniformément le titre de sultans, sont également brûlés, et trois femmes esclaves sont jetées vives dans leur bûcher : on veut leur épargner, dit-on, les ennuis de la solitude. De larges libations de pombé, comme toujours, complètent la cérémonie.

On sait combien les sauvages de l’Afrique sont passionnés pour les danses et pour la grossière musique qui les accompagne. Ceux de l’est et du centre ne le cèdent sur ce point à aucune autre peuplade. Quand la lune commence à se lever, ils secouent leur torpeur ou quittent leurs jeux, et, bondissant comme des chacals, appellent à grand bruit d’instrumens les filles, qui accourent et dansent tantôt seules, tantôt mêlées aux hommes. La musique se compose des combinaisons de sons les plus monotones : c’est une sorte de récitatif coupé par des chœurs chantés à voix très basse. Les instrumens de musique, très primitifs, sont cependant nombreux ; ils sont d’importation étrangère et viennent de la côte ou même de Madagascar, On remarque dans cet orchestre barbare le zezé ou banjo, instrument monocorde assez semblable au rubbah arabe, qui paraît être le rude ancêtre de la guitare espagnole. C’est un long manche sur lequel court une corde rattachée à une gourde ; il paraît que le zezé peut donner six notes. Le kinanda est une sorte de prototype de la harpe ou de la lyre ; il consiste en une boîte longue de treize pouces, large de cinq ou six, profonde de deux, et qui n’a pas moins de onze bu douze cordes. L’artiste en joue à l’aide d’un archet long d’un pied, tenant l’instrument dans la main gauche. Comme le zezé, le kinanda est enrichi d’ornemens en cuivre. Il y a aussi des tambours qui n’ont de peau que d’un côté, et encore le paddle, le stool, le kidele, le sange, qu’il serait trop difficile de décrire.

L’industrie de ces sauvages consiste dans la fabrication de quelques nattes, d’étoffes d’écorce, de poteries. L’Ujiji donne un excellent cuivre rouge, les armes sont faites du fer indigène ; mais le produit où ces Africains excellent, ce sont les pipes. Ils en font de toutes formes et de toutes grandeurs, et souvent de fort élégantes ; ils les teignent de diverses couleurs et les ornent de tubes de cuivre ou de fer.


III. — LES GRANDS LACS.

C’est seulement après le masika, saison des pluies, que le lac Tanganyika devient navigable. À l’extrémité septentrionale, il reçoit un cours d’eau que l’on dit très important ; mais les indigènes