Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/731

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

abouti qu’à l’insuccès, aurait dû démontrer qu’il n’appartient qu’aux entreprises d’utilité publique de recourir aux grandes accumulations de capitaux. Les industries privées, qui dépendent souvent de la capacité et de l’intelligence viagère d’un seul homme, ne peuvent réunir d’aussi vastes ressources qu’en courant des aventures et en recherchant presque au hasard des affaires compromettantes et souvent ruineuses. Ainsi la loi, dans un intérêt d’ordre public, aurait dû simplement se borner à imposer la forme anonyme à toute société en commandite par actions dont le capital aurait excédé par exemple 2 millions de francs. À notre avis donc, sans porter atteinte au principe de l’association libre des capitaux, on pouvait laisser subsister la loi sur les commandites ordinaires telle qu’elle est, et, quant aux sociétés en commandite par actions, il y avait à fixer un chiffre au-delà duquel elles auraient été forcées de prendre la forme anonyme. La liberté n’aurait pas eu à souffrir de s’entendre dans ce cas avec la loi ; toutes les garanties et toutes les responsabilités exigées par la morale et par les intérêts se seraient rencontrées dans cet accommodement, car c’est surtout en posant des conditions exceptionnelles pour l’obtention de l’anonymat qu’on a porté atteinte à la liberté et favorisé pour ainsi dire, par les difficultés dont cette forme de l’association est entourée, le rétablissement de privilèges que repoussent et notre constitution politique et nos codes. Or, si nous admettons que l’association des capitaux est un principe désormais indispensable au bien-être de notre état économique, nous devons, dans la situation qui lui est imposée, examiner pourquoi cette association ne peut pas toujours revêtir la forme anonyme.

Les garanties qu’offre la société anonyme sont considérables. Elle est soumise à l’examen et à la sanction du conseil d’état, et ceux qui la réclament sont obligés, de faire connaître les élémens d’utilité et de prospérité qu’offre leur entreprise, de justifier de leur capital et presque de leur capacité. Ces justifications ne sont en général possibles que pour des affaires bien définies, dont on peut déterminer la base et le but, comme celles qui concernent les travaux importans d’utilité publique, les grandes entreprises industrielles destinées, soit à créer de nouveaux produits en exploitant les richesses minérales enfouies dans le sol, soit à satisfaire à des besoins permanens du commerce, de l’industrie et de la propriété. Ce sont en effet ces entreprises seules qui peuvent réclamer et expliquer l’accumulation de grands capitaux ! Quant à celles qui réunissent des fonds considérables pour des fins aléatoires, il importerait à l’ordre public qu’on leur imposât cette sanction du conseil d’état. Si en 1856 on avait obligé toutes les sociétés dont les opérations effrayaient le public et leurs actionnaires, soit à revêtir la