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cette base, il faut, dans une contrée infestée peut-être de guérillas, rester maître d’une immense ligne de communication. Les Espagnols du général Prim faisant défaut, il y aurait une imprévoyance barbare a laisser longtemps nos soldats sans renforts. C’est sur eux que nous devons maintenant compter pour réparer (ils en ont l’habitude) les fautes de notre politique. Par leur patience et par leur élan, par quelque coup d’éclat décisif, ils peuvent nous fournir une occasion glorieuse et prochaine de nous retirer du Mexique. Ne leur épargnons donc pas les secours, et prenons garde de ne point aggraver nos responsabilités en rendant ces braves gens victimes des erreurs qu’ils n’ont point commises.

L’affaire du Mexique, quelque espoir fondé que l’on ait qu’elle puisse être menée à bonne fin, doit être pour la France et le gouvernement un juste sujet d’inquiétude. Les derniers incidens italiens ont au premier moment effrayé davantage les imaginations. Une expédition de corps francs allait se lancer dans le Tyrol italien : cette agression insensée eût pu ou créer à l’Autriche la nécessité ou lui fournir le prétexte d’exercer contre le nouveau royaume italien de sévères représailles. Si le cabinet de Turin eût manqué de vigilance, si l’administration italienne n’eût pas osé être ferme, la collision éclatait à l’improviste, la péninsule était en feu, la France pouvait être entraînée dans la guerre, suivant le tour qu’eût pris la lutte entre l’Autriche et l’Italie. Voilà le danger auquel on vient d’échapper : on a été ému à la seule pensée d’y avoir été exposé. Cependant, à la réflexion, les libéraux qui veulent consolider par une organisation régulière et par l’ordre les résultats de la révolution italienne n’ont pas lieu de regretter le complot de cette poignée d’exaltés qui se couvrent du grand nom de Garibaldi. Cette échauffourée a été une occasion fournie à la cause de l’ordre en Italie de montrer son intelligence et sa force, et l’énergie du gouvernement, l’unanimité de la nation italienne n’ont point fait défaut a cette occasion.

On pouvait prévoir depuis longtemps qu’il ne serait pas possible d’éviter un choc en Italie entre le parti qui s’attribue la direction de la révolution italienne par l’agitation et l’action et les pouvoirs publics qui représentent la politique régulière et les forces organisées de l’Italie. Quelques-uns même allaient jusqu’à souhaiter que ce choc eût lieu le plus tôt possible ; aux yeux de ceux-là, l’alliance du gouvernement italien avec les élémens de l’agitation révolutionnaire nuisait à la bonne renommée de ce gouvernement, à son crédit en Europe, et devenait pour lui une cause d’affaiblissement. Tout ce qui permettrait à ce gouvernement de prouver son indépendance d’une faction turbulente, d’établir sa prépondérance sur cette faction, et au besoin de la réduire à une impuissance notoire, leur paraissait devoir servir aux intérêts de l’Italie. Nous ne formions point, pour ce qui nous concerne, de vœux semblables. Notre désir eût été, il est encore que le déchirement eût pu être prévenu. Après un ébranlement régénérateur tel que celui d’où sort l’Italie, après un ébranlement qui a poussé à l’action des esprits ardens et passionnés, nous aimons mieux voir les partis extrêmes