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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/769

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REVUE. — CHRONIQUE.

mière à la dixième, porte le nom du régiment. Les colonels (quân-co) sont chefs de canton ; les capitaines sont âp truong (chefs de village du titre de âp). Les colonels ont un cachet qui leur est envoyé de Hué : ce cachet, en bois très léger, ne peut être employé qu’à l’encre noire, l’encre rouge annonçant un pouvoir plus élevé. La plupart de ces régimens ne purent jamais dépasser le chiffre de trois cents hommes, et leurs compagnies le chiffre de trente hommes. L’effectif de la compagnie de guerre annamite est de cinquante hommes.

Les colonels de don-dien furent choisis parmi les anciens chefs de village les plus remarquables par leur résolution, leur intelligence ou les services qu’ils avaient rendus. Chaque chef était présenté par le nguyên Tri-phuong, et sa nomination était approuvée par le roi. Ils étaient par conséquent tout à fait à la dévotion du commissaire visiteur. Il parait que cet honneur était une charge des plus lourdes. Dans beaucoup de régimens, les secours fournis par le roi étaient insuffisans, et les colonels avançaient sur leur fortune particulière des sommes que l’état ne leur a pas encore rendues, ou bien ils empruntaient au chef de la province d’autres sommes d’argent dont ils se portaient garans. En outre la bande était difficile à mener et d’humeur peu patiente. C’était une difficulté épouvantable, dit le , de les maintenir dans l’ordre. Quelques-unes de ces pauvres familles désertaient les âp, n’y trouvant plus de quoi vivre. Les villages qui étaient censés avoir fourni ces don-dien étaient obligés de les remplacer. Le gouvernement annamite donnait peu de chose. Le roi faisait distribuer 300 ligatures[1] (300 francs environ) pour trois cents hommes. Ce secours était destiné à l’achat des instrumens aratoires, qui n’étaient pas fournis en nature, comme on l’a prétendu inexactement. Le chef recevait en outre 200 ligatures pour acheter des buffles. Les don-dien étaient attirés, recueillis, mais non pas forcés, et c’est une erreur de croire qu’ils étaient recrutés parmi les criminels et les exilés. Chaque don-dien devait livrer tous les ans dix boisseaux de riz : cinq pour le roi, cinq pour les cas de disette. Il y avait des magasins de prévoyance où le riz s’entassait : le grain non décortiqué peut se conserver très longtemps (cinquante ans, prétend-on). Des gens riches se servaient même de ces magasins pour conserver leurs riz ; mais ces villages étaient à peine installés quand ont commencé les troubles, ainsi que les Annamites appellent la guerre avec les Européens. Ils étaient bâtis régulièrement, et présentaient tout l’aspect des villages militaires de Ki-oa. La maison du chef était au milieu avec un gong, un tam-tam, ce qu’il faut pour appeler aux armes. Ils n’étaient point entourés de fortifications passagères, comme on l’a dit.

Les don-dien étaient des voisins fort désagréables pour les villages soumis à l’administration ordinaire. On les voyait toujours mêlés dans les querelles, et le affirme qu’il avait une grande peine à les empêcher de tirer leurs longs coutelas. Dans un pays où l’organisation communale existe tout entière, où les villages en viennent souvent aux coups pour dès querelles de pagode, on comprend que les don-dien devaient être en effet intolérables.

Chaque régiment avait un petit canon. Dix soldats environ étaient armés

  1. Une ligature est un chapelet de sapèques, petite monnaie de cuivre du pays.