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du règne actuel, ont fini par jeter le trouble dans la circulation monétaire, soit d’emprunts faits aux banques. Le chiffre des billets de crédit montait, il n’y a pas longtemps encore, à plus de 700 millions de roubles ou près de 3 milliards de francs ; ce que l’état a emprunté aux banques pendant vingt-cinq ans s’élève à plus de 300 millions de roubles ou près d’un milliard et demi de francs, et le système de crédit intérieur représenté par les banques n’est point réellement le fait le moins singulier. Le rôle de ces banques dites de prêt, de dépôt, etc., était en effet aussi bizarre qu’imprévu. Il consistait à recevoir en dépôt des capitaux particuliers, à les attirer par un intérêt composé et à les replacer. Ce mécanisme semble simple, et il ne l’est pas autant qu’on pourrait le croire ; il s’éloigne fort surtout de la destination ordinaire des institutions de crédit. D’un côté, les banques absorbaient les capitaux, fruits de l’économie et de la réserve ; de l’autre, elles les mettaient à la disposition soit de la noblesse, qui les dépensait le plus souvent en luxe improductif, en voyages, soit de l’état, qui se prêtait à lui-même, puisque ces institutions étaient sous sa dépendance. En outre, comme dépositaires, elles étaient responsables de sommes toujours exigibles, tandis qu’elles prêtaient à des termes éloignés. Ainsi, en ne rentrant qu’à de longues échéances dans les sommes prêtées, elles restaient sans cesse passibles de remboursemens immédiats. Il en résultait qu’à la moindre crise c’était une sorte de banqueroute déguisée en ajournement ; mais une autre conséquence bien plus grave, c’est que l’état était dès lors intéressé à entraver le développement des forces productives, à détourner les capitaux du commerce, de l’industrie, de toutes les libres et utiles entreprises, pour rester seul maître, seul régulateur de la richesse publique. Il y a eu en Russie une administration financière, celle du général comte Cancrine, qui a joui d’une certaine renommée en Europe ; c’est par le fait le général Cancrine qui a développé et perfectionné ce système, consistant à puiser dans les caisses des banques pour pallier les déficit du budget. Le mystère a tout couvert pendant longtemps ; le jour où l’empereur Nicolas a disparu, le vice et les suites de ce régime se sont révélés tout à coup, et le gouvernement nouveau s’est trouvé en présence du problème d’une régénération financière. C’est le problème que le ministre actuel des finances, M. Reutern, après M. Kniajevitch, a toujours à résoudre, et il est visible qu’il subsiste tout entier, que ce qui a été fait jusqu’ici ne l’effleure que très superficiellement, qu’il se lie d’ailleurs à un mouvement général, et qu’il a toutes les faiblesses comme il subit toutes les fluctuations de la politique actuelle.

Les réformes financières en Russie ! C’est là en effet un grand mot qui a retenti de nouveau comme une fanfare pour inaugurer le dernier