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la loi de l’unité par la variété qui domine toutes ses transformations. Il faut être bien pénétré de cette vérité pour ne pas se laisser abuser par des apparences trompeuses : elles ne sauraient cependant égarer celui qui sait que ces forces plastiques n’ont rien d’arbitraire, et obéissent à des lois immuables comme celles qui président aux révolutions éternellement régulières des corps célestes. Parmi ces lois, nous placerons en premier lieu le balancement des organes, pour employer le mot consacré par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire.

Le balancement des organes, avons-nous dit, est cette loi en vertu de laquelle une partie ne saurait prendre un grand développement sans que d’autres parties ou une autre partie diminuent de volume et disparaissent même totalement. Dans les serpens, les membres avortent ; aussi le corps se prolonge-t-il pour ainsi dire à l’infini. Dans les sauriens (crocodiles, lézards), où les pattes existent, le corps est plus court, plus ramassé, et se termine par une queue plus ou. moins longue. Chacun peut suivre cette diminution graduelle des membres correspondant à un allongement relatif du corps sur des animaux dont quelques-uns sont bien connus. Chez les lézards ordinaires, les pattes sont bien développées, le corps peu allongé, et la queue grêle et d’une longueur médiocre. Chez le seps du midi de la France, les membres sont très courts, le corps plus long et la queue plus grosse. Chez les bimanes, les pattes antérieures sont les seules qui persistent ; chez les bipèdes, ce sont les postérieures. Dans le pseudopus, qui habite la Dalmatie, on n’aperçoit plus que les traces des membres postérieurs ; le corps et la queue sont très longs. Enfin, dans l’orvet commun ou serpent de verre de nos bois, on ne voit plus de membres ; ces membres sont cachés sous la peau ; l’animal porte un sternum comme le lézard, mais son corps est cylindrique et allongé comme celui d’un serpent. Cet être problématique forme ainsi la transition entre les sauriens, reptiles pourvus de membres, et les véritables serpens, qui en sont complètement privés. Chez les grenouilles et les crapauds, le développement des membres, et surtout des membres postérieurs, se fait aux dépens de la queue, qui disparaît, et du corps, qui est encore plus ramassé que celui des sauriens. On peut voir la nature à l’œuvre : lorsque les têtards se métamorphosent en grenouilles, la queue diminue et s’atrophie à mesure que les pattes s’allongent.

Quand les membres postérieurs se développent outre mesure, comme dans les kanguroos, les gerboises, les hélamis ou lièvres sauteurs, les membres antérieurs deviennent si petits qu’ils n’atteignent plus le sol ; l’animal saute sur ses pattes de derrière, et au repos s’appuie sur sa queue. Chez certains oiseaux, tels que l’autruche,