Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/888

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que des feuilles transformées. La fleur n’est qu’un bourgeon où les feuilles se sont changées en sépales, pétales, étamines et carpelles ; ceux-ci sont les élémens du fruit, composé lui-même des feuilles repliées sur leur nervure moyenne et libres ou soudées, libres dans la pivoine ou l’ellébore, soudées dans l’orange et dans la pomme.

Comment le naturaliste reconnaît-il que tous les organes floraux ne sont que des feuilles transformées ? Par deux méthodes : l’observation de l’état normal des plantes et l’étude des anomalies ou monstruosités. Je m’explique. Les feuilles colorées qui se trouvent dans le voisinage de certaines fleurs se nomment des bractées. Pour constater leur analogie avec les véritables feuilles, il suffit de voir qu’elles présentent d’abord la couleur verte, puis se teignent peu à peu d’une couleur différente, comme on le vérifie sur le bougainvillea. Les sépales du calice ne sont que des feuilles plus petites et plus rapprochées ou même soudées entre elles. Dans les gentianes et la nielle des moissons (githago segetum), si commune dans nos blés, cette identité est frappante. Le même raisonnement s’applique aux pétales. Dans un certain nombre de fleurs, celles des cactus, des lis d’eau (nymphœa alba) on ne sait où finissent les sépales et où commencent les pétales ; donc les pétales sont des feuilles transformées. Dans les ornithogales, on reconnaît que les filets des étamines sont des pétales rétrécis, et les fruits des asclepias, des dompte-venin, du sterculia, des ellébores, des aconits, de la pivoine, sont évidemment des feuilles repliées sur elles-mêmes et portant des graines le long de leur nervure médiane.

Il existe des preuves d’un autre ordre. Quelquefois, pour des raisons qui nous échappent, la transformation ne s’opère pas : un sépale, un pétale, un carpelle restent à l’état de feuille. La nature trahit son secret, l’observateur la prend sur le fait, et constate l’identité essentielle de l’organe. Il n’est pas rare de voir sur les pivoines et sur les roses des sépales du calice rester à l’état de feuilles. Une rose double, une pivoine, un pavot, une renoncule double, sont des fleurs où presque toutes les étamines se montrent encore à l’état de pétales. La métamorphose ne s’est pas accomplie, et il suffit de les examiner avec une certaine attention pour y trouver tous les intermédiaires imaginables entre un pétale parfait et une étamine normale composée d’un filet et d’une anthère. On a vu des carpelles se montrer à l’état de feuille, et ainsi la transformation des organes végétaux se démontre par les cas nombreux où elle ne s’opère pas.

Goethe avait publié sa Métamorphose des plantes en 1790 ; elle ne fut pas comprise de ses contemporains : ils n’y virent qu’un jeu de l’imagination. Pour les littérateurs, c’était un poème en prose, pour les artistes une indication à l’usage de ceux qui composent des