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arabesques. Personne n’y reconnut un travail scientifique moins aride que ne le sont ordinairement les ouvrages de cette nature, mais où quelques faits hardiment généralisés éclairaient la science d’une lumière nouvelle.

Linné et Goethe avaient prouvé la métamorphose des organes végétaux. De Candolle, dans sa Théorie élémentaire composée à Montpellier en 1812, établit la loi de symétrie et celles qui en découlent, le balancement des organes et la constance des connexions. Toute fleur est originairement symétrique, c’est-à-dire séparable en deux moitiés semblables, quelle que soit la direction du plan qui la coupe. Cependant il existe des fleurs irrégulières où la symétrie est bilatérale seulement. De Candolle prouve qu’elles sont originairement symétriques, mais habituellement irrégulières. Telle est la linaire des champs : sa corolle est personnée et munie de quatre étamines ; cependant l’on trouve des pieds dont les fleurs reviennent accidentellement à l’état régulier ou symétrique ; la corolle prend la forme d’un entonnoir, et la cinquième étamine se développe. Le genre teucrium ou germandrée se compose de fleurs irrégulières, comme toutes les labrées ; mais il est une espèce, le teucrium campanulatum, dont la fleur est régulière, symétrique et munie de cinq étamines au lieu de quatre. L’état normal n’est donc point l’état habituel, pas plus en botanique qu’en zoologie. Tout organe rudimentaire accuse le développement exagéré d’un autre organe, et ce développement exagéré amène l’irrégularité ; mais la loi du balancement des organes n’est jamais violée, le développement exagéré de la corolle des linaires et des germandrées est balancé par l’avortement de la cinquième étamine, qui n’est plus représentée que par un mince filet. Nous pouvons suivre la marche de ces avortemens et de ces hypertrophies. Tout le monde sait par ses souvenirs d’enfance que le fruit du marronnier d’Inde ne renferme qu’une grosse graine, rarement deux, plus rarement encore trois ou même quatre ; mais coupez transversalement l’ovaire d’une fleur de marronnier pendant ou peu de temps après la floraison, vous trouverez trois loges renfermant chacune deux graines, en tout six graines. Sur ces six graines, cinq avortent, une seule se développe et devient énorme ; l’avortement est constant, mais il n’en est pas moins anormal ; l’état normal serait le développement égal des six graines. Ici encore l’état habituel diffère de l’état régulier que le naturaliste constate pendant la jeunesse du fruit.

Les organes atrophiés, c’est-à-dire incomplètement avortés, ont le même sens en botanique et en zoologie : ce sont des organes inutiles, sans fonctions, mais qui nous révèlent le plan symétrique dans la nature. Ainsi, dans la famille des scrofularinées, le bouillon-