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inclinées ou horizontales dont les déblais, aujourd’hui recouverts par la terre végétale, recèlent des échantillons de cuivre et de plomb argentifères d’une très grande richesse. On trouve aussi à l’entrée de la ville un amas considérable de scories sur lequel une partie des maisons est bâtie. Il y faut enfoncer des pilotis pour les fondations, sans espoir quelquefois d’arriver au terrain solide, tant la hauteur des tas est considérable. Enfin dans la principale rue de Montieri existent encore l’établissement métallurgique et les grands magasins que les évêques de Volterra et après eux les banquiers de Sienne avaient édifiés.

Un digne habitant de la localité, maréchal-ferrant de son métier, il maestro Papi, me servit de guide dans mes courses sur tous ces anciens travaux. Le bonhomme ne formait qu’un rêve, celui de voir enfin renaître l’exploitation jadis si fructueuse. Dans son ardeur, ce confrère de saint Éloi abandonnait quelquefois sa forge et son soufflet, et il s’en allait errant par la montagne, recherchant parmi les déblais, autour des anciens puits, des échantillons métallifères qu’il collectionnait précieusement. Il leur donnait à chacun, à vue d’œil, une teneur en argent toujours très forte, que l’analyse certainement n’eût point justifiée. Par amour pour sa ville natale, il appelait à grands cris des capitalistes pour rouvrir tous ces vieux travaux. Maestro Papi accusait le grand-duc, qui n’en pouvait mais, et son ingénieur, qui avait bien peut-être un peu tort, de l’état de triste chômage où se trouvaient les mines toscanes. Il ne pouvait concevoir un arrêt si long et si préjudiciable aux intérêts de sa chère patrie après deux périodes d’exploitation aussi brillantes que l’avaient été celle des Étrusques et celle des républiques italiennes, dont il connaissait également les détails. Ce forgeron géologue voulait à toute force que je fusse l’envoyé de quelque société étrangère venu pour étudier ces mines et procéder enfin à une reprise sérieuse des travaux. Je ne pus réussir à le détromper, et il me supplia plusieurs fois de lui garder un emploi dans ma compagnie, celui de forgeron, poste auquel l’appelait naturellement, me disait-il, son métier de maréchal-ferrant. Il me promettait d’affûter au plus bas prix possible les pics et les fleurets des mineurs, et, comme pour se donner de nouveaux titres à la faveur qu’il demandait, il me supplia d’accepter un magnifique échantillon d’argent rouge, ou sulfure d’argent cristallisé, sur lequel il avait un jour mis la main dans ses recherches à travers la montagne.

C’est en compagnie de ce dilettante en métallurgie que je parcourus non-seulement Montieri, mais encore Poggio Muti et Gerfalco. Possédant bon nombre de légendes sur tous les pays que nous traversions, il allait devisant le long du chemin, et me faisait ainsi oublier les fatigues de la route. C’est lui qui le premier me raconta