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l’aventure du beato, un insigne voleur devenu saint et patron de l’endroit. Employé au moyen âge, il y a de cela bien longtemps, me disait maestro Papi, comme fondeur dans l’usine de Montieri, le beato, dont je regrette d’avoir oublié le nom, qui n’est pas du reste dans le calendrier, avait un jour volé un lingot d’argent. On lui coupa la main, car un article de la loi des mines de Massa punissait ainsi ce méfait. Le beato alla cacher sa honte dans une grotte du voisinage, et y vécut en ermite. Les ouvriers de l’usine eurent pitié de leur camarade, peut-être pour avoir, eux aussi, opéré quelquefois comme lui, mais avec plus d’habileté. Ils lui portaient tous les jours des vivres et des consolations. Cette vie d’ermite repentant eut une fin. Le beato mourut ; des miracles s’opérèrent autour de son tombeau, et l’ancien voleur fut sanctifié. Montieri le réclama pour son patron. Je ne sais pas si Rome présenta quelques objections, mais je sais que les Montiérais gardent soigneusement les os du bienheureux, l’invoquent à l’occasion et lui adressent force neuvaines. Un des anciens puits de mine porte le nom du beato, et la grotte où ce bon saint fit pénitence en cette vie a reçu la dénomination de romito ou de l’ermitage. Mon guide, qui me fit pieusement connaître tous ces détails, était pour son compte pleinement convaincu de la sainteté du patron de Montieri. Il lui devait la guérison d’un de ses enfans, nouveau miracle à ajouter à tant d’autres. La moralité de cette histoire prouve une fois de plus, me disait maestro Papi, que le repentir lave toutes les fautes, et qu’on peut être un grand voleur dans ce monde et un grand saint dans l’autre. Les mines de Montieri ont été les premières exploitées en Toscane après la chute de l’empire romain. Les ruines des anciennes exploitations de l’Étrurie durent frapper d’ailleurs les yeux des Barbares, qui sortaient presque tous des forêts de la Germanie, où, s’il faut en croire Tacite, les mines, surtout celles de fer, étaient travaillées des la plus haute antiquité. Dans l’époque de calme qui suivit l’invasion, les Goths, puis les Lombards, rouvrirent donc sans nul doute les puits et les galeries des Étrusques, que les Romains, on le sait, avaient dû respecter, pour obéir à une loi du sénat. Vinrent ensuite les Allemands, dont l’influence s’est fait si longtemps sentir en Italie, et qui ont joué jusqu’à ces derniers temps le rôle des Phéniciens dans l’antiquité, celui de former tous les autres peuples de l’Europe, en leur vendant des métaux, à la pratique de l’art des mines et de la métallurgie. Les Allemands paraissent avoir été les maîtres des premiers mineurs et fondeurs de Massa, et l’on retrouve en effet dans la loi des mines de cette république un assez grand nombre de termes trahissant leur origine teutonique. Il n’est pas nécessaire du reste de s’adresser aux étymologies, et le fait de l’introduction des méthodes allemandes dans la reprise des mines toscanes