Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 39.djvu/919

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la poussière du chemin, et faisaient prévoir un prochain orage. Près de m’engager dans la montagne par la route qui de Massa mène à Monte-Rotondo, j’hésitai un instant. Une terrible averse, dont un coup de tonnerre retentissant était l’avant-coureur, se préparait au-dessus de ma tête ; mais mes réflexions ne furent pas longues, et, m’affermissant sur la selle, je piquai des deux, enveloppé dans un vaste plaid. La pluie ne tarda pas à tomber à torrens ; mes habits furent transpercés. Force me fut enfin, car ma bête refusait d’avancer, d’aller demander asile à une ferme que je voyais près de la route. Quelques passans et des rouliers, surpris comme moi par l’orage, m’avaient précédé dans une salle commune, et se chauffaient tranquillement autour d’un large feu. C’était une vraie cheminée maremmane que celle où ils s’étaient assis en rond, et je pris ma place au milieu de la compagnie. Tout autour du foyer était un banc de pierre sur lequel nous étions groupés ; le manteau de la cheminée nous couvrait de son dôme noirci. Une chaîne à laquelle s’attachaient les marmites descendait vers le milieu du feu. Nous étions là comme des jambons qu’on fume, pendant que la maîtresse du logis, sans trop s’inquiéter de nous, préparait sa cuisine du matin. Peu habitué à ce mode de chauffage, je fus bientôt pris à la fois d’un mal de tête et de nausées qui me forcèrent d’abandonner la place. Mes vêtemens étaient encore mouillés, l’eau s’en échappait en vapeur, et tout le monde se mit à rire du délicat cavalière auquel la fumée faisait mal.

Cependant, la tempête s’étant un peu calmée, je pus me remettre en chemin. Mon voyage se termina sans nouvel incident, et je descendis à Monte-Rotondo, chez le signor Tomi, pour qui j’avais une lettre.

L’imprudence que j’avais commise en partant par un temps d’orage eût pu avoir des suites fâcheuses, car c’est souvent par les transitions brusques du chaud au froid, et en s’exposant trop longtemps à la pluie, que l’on prend en hiver la fièvre de la Maremme. Tomi me conduisit en toute hâte devant une vaste cheminée, cette fois d’un style moderne. Je m’y séchai tout à mon aise pendant qu’on ouvrait ma valise et qu’on m’apportait le plus brûlant et odorant poncino dont j’eusse encore humecté mes lèvres. Mon hôte m’envoya même ses deux gracieuses filles, qui vinrent me baiser la main et voulurent à toute force dénouer mes éperons. Je me soumis de très bon cœur à la première de ces opérations ; mais j’acceptai difficilement la seconde, étonné de trouver dans la Maremme une aussi curieuse coutume.

Ne voulant pas abuser trop longtemps de l’hospitalité du brave Tomi, je lui demandai de me conduire chez un Français, M. Durval, qui exploitait à Monte-Rotondo, en concurrence avec M. Larderel,