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procès. Le meilleur de tous les dossiers, c’est la fresque elle-même, ainsi mise à son jour. Quand on a passé là quelques instans, toute intention de controverse expire; on sent dans cette salle, devant cette muraille, comme un parfum raphaélesque qui dissipe le doute. Cette impression, depuis quelques années, s’est peu à peu répandue par la ville, parmi les guides, parmi les étrangers, dans le gros de la population, si bien qu’à l’heure qu’il est toute contestation semble d’abord absolument éteinte. Il n’en est rien pourtant, et même on pourrait dire que plus le simple public, revenu de sa première surprise et de sa crainte d’être dupe, accepte maintenant avec confiance et sans réserve l’hypothèse qui répond le mieux au caractère de ce chef-d’œuvre, plus certains érudits, pour se distinguer du vulgaire, affectent de persévérer dans un doute expectant ou même de hasarder de périlleuses conjectures.

C’est la conséquence obligée d’un certain genre de critique dont l’Allemagne est idolâtre et qu’elle a depuis un quart de siècle transplanté et fait fleurir en Italie, en Toscane surtout. On lui doit, j’en conviens, d’estimables travaux. Le Carteggio de Gave a rendu des services qu’on ne peut méconnaître; mais ni Gaye, ni ses imitateurs, ni les fouilleurs d’archives en général, n’ont qualité pour prononcer sur l’authenticité d’une œuvre d’art. Ils donnent des pièces à l’appui, ils éclaircissent certaines circonstances de la vie d’un artiste et fournissent par là des données sur ses œuvres, données biographiques où les problèmes de l’art lui-même sont prudemment mis de côté. Pour distinguer l’œuvre d’un maître, l’érudition pure et simple est un guide à la fois insuffisant et dangereux. Je n’en veux d’autre preuve que les pages qui concernent la fresque de S. Onofrio dans deux récentes publications, pleines d’informations savantes et de curieux documens : l’édition de Vasari imprimée à Florence, chez Felipe Lemonier, par les soins et sous li direction de MM. Milanesi et Pini, et l’édition française du grand travail de M. Passavant sur la vie et les œuvres de Raphaël.

Pour ne parler d’abord que des éditeurs de Vasari, c’est presqu’à leur corps défendant qu’ils prennent part à cette controverse. J’en juge par un avant-propos placé en tête de la vie de Raphaël, où ils se déclarent résolus à ne pas dire un mot des peintures de ce divin maître dont l’authenticité n’est pas incontestable, et même à ne parler, parmi ses œuvres authentiques, que de celles dont parle Vasari. Une seule exception leur paraît nécessaire : cette fresque de S. Onofrio, retrouvée par si grand hasard et déjà en si grand renom à Florence et dans l’Europe entière, comment la passer sous silence? Il faut, bon gré, mal gré, qu’ils se hasardent à en parler. Tout d’abord, affectant une sorte de neutralité, ils reconnaissent haute-