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fresque certaines inégalités qui pourraient au besoin justifier cette conjecture; mais soutenir que dans toute une année cette ardente et féconde nature n’aura pas su trouver le temps de concevoir et même d’exécuter, moitié par soi, moitié par d’autres, une page de peinture si grande qu’elle soit, c’est méconnaître la puissance, le privilège du génie. À ce compte, on pourrait démontrer que Raphaël n’est l’auteur ni de l’Ecole d’Athènes, ni du Parnasse, ni des douze autres fresques, grandes et petites, dont il a tapissé la chambre de la Signature, attendu que ces trois années, pendant lesquelles il passe pour les avoir peintes, sont pleines aussi d’autres travaux de date incontestable, qui largement suffisent à l’emploi de son temps.

On le voit donc, les objections des éditeurs de Vasari ne sont pas formidables. Ce sont des ombres qui s’évanouissent dès qu’on les voit de près. Les raisons que nous donnions, il y a douze ans, non pas pour affirmer, mais pour admettre comme sérieuse et plausible l’hypothèse de MM. Della Porta et Zotti, restent entières, et ne sont même pas discutées. Maintenant, si le lecteur n’est pas trop fatigué de ces arides détails, nous passerons aux objections de M. Passavant.

Ce n’est pas sans surprise, je dois le dire d’abord, que je rencontre ici comme contradicteur ce critique éminent dont le monde savant déplore la perte encore récente. Lorsque je vis pour la première fois la fresque de S. Onofrio en octobre 1847, M. Passavant venait de quitter Florence, et aucun de ceux qui durant son passage l’avaient vu le plus assidûment, et qui l’avaient suivi dans toutes ses recherches, ne m’avait dit qu’il eût exprimé même un doute sur l’origine de cette peinture. On m’avait au contraire rapporté son jugement comme plus décidé et plus affirmatif encore que celui de M. Cornélius. Il va sans dire qu’il n’en transpirait rien dans son savant ouvrage, publié à Leipzig en 1839, puisque l’œuvre mise en question n’avait vu le jour qu’en 1845 ; mais l’édition française, revue et complétée par l’auteur il y a deux ans, ne pouvait pas manquer de s’expliquer à ce sujet. Aussi, lorsque parurent ces deux volumes, je les ouvris en toute confiance, et, après avoir reconnu que M. Passavant, sans changer expressément d’avis sur le mérite de l’œuvre, paraissait incertain sur le nom de l’auteur, et repoussait la conjecture que d’abord il avait soutenue, je demeurai convaincu ou qu’un nouveau voyage, un examen sur place plus complet et plus approfondi, ou bien quelque heureuse trouvaille d’un document inattendu avait chez lui produit cette métamorphose. J’eus beau consulter pourtant, et écrire à Florence, personne, depuis 1847, n’avait revu dans cette ville le savant inspecteur du musée de Francfort, et quant à la découverte d’un document quelconque, comme il n’en disait