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diens sous ses ordres, vint de sa personne avertir le général Lorencez qu’un détachement de l’armée de Zaragoza cherchait à empêcher la jonction de ses Indiens avec l’armée française. Le général Lorencez envoya au secours de Marquez un simple bataillon du 99e sous les ordres du commandant Lefebvre. Cette petite colonne surprit l’ennemi, lui mit huit cents hommes hors de combat, et effectua la jonction des bandes de Marquez avec notre armée. Ce facile succès nous prouve que nos soldats sont à l’abri de toute insulte de la part des Mexicains. Nous sommes solidement et commodément cantonnés à Orizaba ; nos soldats y sont logés dans de bonnes casernes et bien nourris ; nos officiers, comme nous l’apprennent plusieurs lettres de l’armée, y reçoivent des habitans une hospitalité cordiale et gaie. Au-dessous d’Orizaba, Cordoba est occupée par notre infanterie de marine, qui de là rayonne jusqu’au Chiquihité, c’est-à-dire à la limite de la terre chaude. Marquez et ses Indiens sont à la Soledad, à mi-chemin entre le Chiquihité et la Vera-Cruz. À la Vera-Cruz, le général Douay organise avec son petit détachement ses convois de munitions et de vivres. Les communications entre le corps expéditionnaire et sa base sont donc rétablies. L’on peut attendre sans inquiétude la fin de la saison des pluies.

La contre-partie de ces bonnes nouvelles, ce sont les victimes que la fièvre jaune fait à la Vera-Cruz ; c’est encore le mouvement qui s’opère contre nous au-delà d’Orizaba. Des lettres de Mexico annoncent que d’immenses levées sont ordonnées et s’accomplissent dans tous les états du Mexique. Il y a cependant une circonstance qui peut rendre moins redoutable pour nous la levée en masse, c’est que ce mouvement national, qu’il soit factice ou sincère, est prématuré. Comme nous l’avons dit, nous ne pouvons commencer une campagne décisive avant l’automne. Jusque-là, les pluies imposent à la guerre une suspension forcée. En appelant le peuple aux armes dès le mois de mai, le gouvernement mexicain s’impose une charge qui est au-dessus de ses ressources. Comment pourra-t-il maintenir jusqu’en septembre tant de soldats improvisés ? L’argent lui fera défaut, ses soldats ne seront pas payés, et le moment de la reprise des hostilités sera justement celui où ses troupes mécontentes ne songeront probablement plus qu’à se débander. Quelque fondement que puissent avoir ces conjectures, il doit être bien entendu qu’il ne faut pas que la France s’expose au renouvellement des fautes qu’elle a commises. Si nous voulons que notre drapeau aille à Mexico, il ne nous est point permis d’ignorer qu’il faut employer dans cette expédition des forces beaucoup plus considérables que celles qu’on a jusqu’ici regardées si étourdiment comme suffisantes. Vingt mille hommes, plus peut-être, il faut s’y attendre, doivent être engagés par nous dans cette affaire. Sans fixer de chiffres, il s’agit d’une expédition bien plus grosse qu’on ne l’avait cru d’abord et qu’on ne l’avait dit à la France. Le bon sens et la prudence nous en avertissent assez aujourd’hui. C’est aussi le sentiment de notre armée mexicaine, qui s’attend à de grands renforts. C’est la conclusion à laquelle