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un peu embarrassé, répondit que ce témoignage de l’amitié du roi d’Angleterre lui était fort agréable ; mais il renvoya l’ambassadeur anglais à son premier ministre, le duc de Lerme, qui aurait ordre, lui dit-il, de traiter avec lui de cette affaire. Le duc de Lerme vint en effet, deux ou trois jours après, rendre visite à sir Charles Cornwallis, qui lui répéta ce qu’il avait dit au roi. Presque aussi embarrassé que son maître et peu hardi lui-même de son naturel, le ministre espagnol se répandit en protestations amicales; c’était sur ses propres suggestions, dit-il, que le comte de Villa-Mediana d’abord, puis don Pedro de Zuniga, puis aussi don Alonzo de Velasco avaient fait au roi d’Angleterre ces ouvertures, et personne ne savait mieux que lui de quelle importance il était, pour le bien de l’Espagne comme de l’Angleterre, qu’elles fussent étroitement et fermement unies. Une seule et bien grande difficulté le préoccupait, la différence de religion ; il ne voulait du reste exprimer, sur la façon dont cette difficulté pouvait s’accommoder, aucune opinion, car c’était une chose qui dépendait du pape, et sur laquelle ni le roi d’Espagne, ni son conseil ne pouvaient prendre aucune détermination positive. L’Anglais s’étonna à double titre : le roi son maître, dit-il, ne voulait avoir à traiter dans cette affaire avec nul autre que le roi d’Espagne et ses ministres ; il supposait d’ailleurs que, si on n’eût pas déjà sondé le pape et entrevu son consentement probable à ce mariage, on n’aurait pas chargé don Alonzo de Velasco d’encourager le roi d’Angleterre à en faire la proposition. « Le roi mon maître, répondit le duc de Lerme, ne dépend en ceci que du pape; mais il ne peut ni ne veut nier cette dépendance, et il ne décidera rien sans l’approbation du pape. Si l’infante était mariée et par conséquent soumise à un prince non catholique, il y aurait un grand danger qu’elle fût pervertie dans sa foi, et c’est ce que mon roi ne pourrait ni ne voudrait admettre, s’agît-il du salut de son royaume. — Si on s’en tient strictement à ces termes, répliqua l’ambassadeur anglais, l’affaire sera bientôt vidée; je désire qu’on ne se méprenne pas sur le caractère de ma proposition : je n’ai aucune mission ni aucun pouvoir pour traiter, à moins que l’ouverture du roi mon maître ne soit très bien reçue du roi d’Espagne et de son conseil, et que vous ne vous chargiez de lever vous-mêmes les difficultés qui pourraient s’élever de votre côté.» Un peu troublé par ce ferme langage, le duc de Lerme modifia le sien ; il savait à merveille, dit-il, quel bien immense ce serait non-seulement pour les deux couronnes, mais pour le monde chrétien en général, qu’un tel mariage pût s’accomplir; ce qu’il venait de dire n’était point une réponse à la proposition, mais l’indication des difficultés qu’il prévoyait. Il avait reçu du roi son maître l’ordre de donner bientôt la réponse demandée, et il