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avantages si doux et désirables que ce connétable se les est imaginés, ou que pour le moins il a tâché de les faire imaginer aux autres, surtout ayant allaire à une nation ai pleine d’arrogance, de ruse et de cautèle[1]. » Telle était en effet l’impression qu’avait laissée en Europe sur le compte de l’Espagne la politique obscure et fourbe, quoique immobile dans son principe et dans son but, de Philippe II, Henri IV n’hésita pas plus que Sully : ils avaient l’un et l’autre l’esprit trop ferme et trop grand pour rechercher en même temps l’alliance anglaise et l’alliance espagnole, c’est-à-dire pour embrasser à la fois les causes contraires, ou plutôt pour n’embrasser aucune cause, et les avances matrimoniales de la cour de Madrid demeurèrent alors sans effet.

Mais, Henri IV mort, l’état des choses changea promptement en France, et Jacques Ier ne tarda pas à s’en apercevoir. Il fut bientôt évident d’une part que la politique française n’était plus la même et que les cours de Paris et de Madrid s’empressaient à se rapprocher, d’autre part que le gouvernement français n’aurait plus en Europe la même autorité ni le même éclat. Jacques avait ainsi bien moins à espérer de l’appui de la France et bien plus à craindre d’une entente entre elle et l’Espagne. Les ambassadeurs espagnols venus à Londres en 1604 pour traiter avec lui de la paix, entre autres don Alonzo de Velasco lui-même, lui avaient fait, pour le mariage du prince de Galles, les mêmes insinuations qu’à Henri IV. « S’il demandait, lui avaient-ils dit, la main de l’infante, la proposition serait bien reçue, car le roi désirait non-seulement vivre en paix avec le roi d’Angleterre, mais s’unir à lui par une étroite alliance. » Jacques, qui venait de prêter l’oreille aux propositions de Sully, écouta assez froidement alors, sans les repousser tout à fait, celles du connétable de Castille; cette double recherche convenait à sa politique, et son amour-propre, comme son caractère, se plaisait à la prolonger par l’indécision. Cependant il penchait vers la France; mais quanti il vit, sous la régence de Marie de Médicis, l’intimité s’établir entre les cours de Paris et de Madrid, il se tourna vers l’Espagne, et se hâta d’y renvoyer son ambassadeur, sir Charles Cornwallis, en le chargeant de reprendre les ouvertures espagnoles, qui, depuis 1604, avaient été plusieurs fois renouvelées, et de demander formellement à Philippe III la main de sa fille aînée, l’infante Anne, pour Henri, prince de Galles. Arrivé à Madrid en juillet 1611, sir Charles Cornwallis, dès sa première audience, exprima à Philippe III le désir du roi son maître, rattachant sa proposition aux paroles prononcées à Londres par les ambassadeurs de sa majesté catholique. Philippe,

  1. OEconomies royales, t. V, p. 372, 375.