passé. Retournant en arrière vers un gué qu’il connaissait, il y pousse son cheval, ses cavaliers en font autant, et malgré la rapidité du fleuve ils parviennent à gagner la rive opposée. Les Barbares, accourus au bruit, font pleuvoir sur eux, des deux bords, une grêle de dards et de flèches qui, grâce à l’obscurité, ne blessent personne. Le jour commençait à poindre, quand la petite troupe se trouva en vue de Milan. Les sentinelles, averties par les tourbillons de poussière que soulevait le galop des chevaux, donnèrent aussitôt l’alarme. On accourut de tous côtés sur le rempart. « Étaient-ce des amis ou des ennemis? se demandait-on, » lorsqu’on aperçut l’aigrette qui ombrageait le casque du régent. Pour se mieux faire reconnaître, lui-même, s’avançant au pied de la muraille, se découvrit et montra sa tête d’une blancheur éclatante, car, dans la maturité de l’âge, Stilicon avait déjà les cheveux d’un vieillard. Un cri de joie parti du rempart se propage aussitôt dans toutes les rues, les magistrats accourent aux portes, et Stilicon, entouré d’une foule enthousiaste, gagne le palais impérial : la ville se croyait sauvée.
Elle l’était en effet, et avec Stilicon la confiance entrait dans l’armée romaine, le découragement dans celle des Goths. Alaric, voyant son plan déjoué et craignant d’être enfermé lui-même entre les légions qui descendaient les Alpes et la garnison de la ville, fit retraite prudemment, et établit son quartier dans la Vénétie, où il se mit à tout ravager. Stilicon profita de ce temps de répit, et de l’arrivée des légions qui le suivaient, pour prendre une mesure qu’il jugeait indispensable, vu le caractère d’Honorius. Milan était un poste trop menacé pour y laisser un jeune prince et des eunuques qui se mouraient de peur; Ravenne convenait mieux, et le fils du grand Théodose pouvait s’y rassurer à l’abri de marais impénétrables. Stilicon l’y conduisit et disposa une partie de ses troupes dans la Cispadane, couvrant les abords de Ravenne et surtout ceux de Rome, si les Goths, ce qu’on pouvait craindre, tentaient une percée sur l’Apennin par la route de Bologne. L’ensemble des mesures prises par le régent consista d’un côté à défendre l’empereur, de l’autre la cité, tête et cœur de l’empire, et d’observer les mouvemens d’Alaric, en laissant cette armée désordonnée se consumer d’elle-même. Pour cela, il fallait abandonner les villes de la Vénétie et de la Ligurie à leur propre défense : Stilicon n’hésita pas à le faire, et la suite prouva qu’il avait raison. Bloqué en quelque sorte dans la Transpadane orientale, la pillant, la saccageant tout à son aise, Alaric n’en avait pas moins renoué ses négociations avec Honorius. Les propositions du Balthe étaient toujours les mêmes, avec plus d’impudence que par le passé : « il venait se mettre au service de l’empereur d’Occident, et il demandait, suivant son habitude, soit